Le dispositif de réforme économique devant inscrire l'Algérie dans la division internationale du travail considère le facteur travail comme un des éléments-clés des avantages comparatifs que le pays est susceptible d'offrir aux investisseurs étrangers. Pour ce faire, l'Etat agit dans le sens du maintien des salaires à des niveaux les plus bas possibles en faisant parfois jouer des exonérations fiscales et sociales au profit des entreprises, notamment celles de création récente. Le taux de change particulièrement bas du dinar par rapport aux devises fortes sert à maintenir le coût du travail en Algérie à un niveau à peu près comparable à celui qu'offrent les pays voisins sachant qu'il est impossible de concurrencer des pays comme la Chine ou les Etats issus de l'éclatement du bloc soviétique qui offrent des salaires de cinq à dix fois inférieurs à ceux pratiqués en Algérie. Vu sous l'angle international, le coût du travail en Algérie n'est pas de nature à poser problème aux investisseurs qui viendraient s'installer dans notre pays pour produire des marchandises destinées à l'exportation. La modicité des coûts de la main-d'œuvre couplée aux autres avantages comparatifs (énergie, transport, etc.) permet de produire à des prix suffisamment bas pour affronter la concurrence. Concurrence déloyale Le problème se pose, par contre, pour les entreprises, notamment celles du secteur public, dont l'activité est centrée exclusivement sur le marché domestique. Du fait qu'elles ne peuvent vendre qu'en dinar sur un marché où la modicité des revenus salariaux n'est pas favorable à la consommation, les taxes et autres prélèvements obligatoires auxquels les entreprises algériennes sont assujetties prennent un ton dramatique. Il faut en effet savoir que l'Etat algérien prélève de nos entreprises environ 30% d'impôts et taxes de diverses natures pour financer la solidarité nationale (lire tableau). A ces prélèvements vient s'ajouter l'obligation faite aux employeurs de payer aux travailleurs concernés les allocations familiales. Une charge supplémentaire de 3% à 7%, selon l'entreprise, est à prévoir au grand dam des gestionnaires et ceux notamment du secteur public qui seront contraints d'augmenter leurs prix de vente dans un contexte peu favorable, exacerbé par le marché informel et la concurrence déloyale. Il faut en effet savoir que l'entreprise publique, contrairement au privé, est tenue de respecter scrupuleusement la législation relative aux prélèvements obligatoires. Tout un dispositif de contrôle existe (commissaires aux comptes, inspecteurs du travail et des impôts, syndicats, etc.) est là pour en vérifier la bonne exécution. Ce qui n'est pas toujours le cas pour les entreprises privées qui ont davantage de latitude pour sous-déclarer, bien souvent avec le consentement des travailleurs concernés, les salaires et, bien entendu, les impôts qui leur sont liés. La concurrence entre les entreprises publiques et les entreprises privées se trouve de ce fait compromise en faveur de ces dernières, qui peuvent pratiquer des prix plus bas tout en s'assurant des marges confortables. C'est en grande partie ce qui explique la problématique de la mévente à laquelle les entreprises publiques économiques (EPE), notamment celles du textile, de la chaussure, mais également celles des filières agroalimentaires, sont aujourd'hui confrontées. Leurs bilans s'en ressentent gravement au point que près de 400 parmi elles en sont arrivées au stade de faillite (actif net négatif). Mise à niveau Mais ce qui est plus grave dans cette concurrence déloyale, c'est la conviction de plus en plus partagée par les chefs d'entreprises publiques qu'il ne sert à rien d'augmenter la productivité du travail et les capacités de production de leurs unités du fait qu'ils ont peu de chances de trouver des débouchés à leurs produits. L'augmentation de leurs chiffres d'affaires est pourtant le moyen sans doute le plus efficace de réduire le poids des prélèvements obligatoires dans la formation de leurs prix de revient. Il reste la solution de l'exportation, mais, dans ce domaine, n'exporte pas qui veut. Si nos entreprises ont effectivement des atouts au plan du coût du travail qui figure parmi les plus bas du monde lorsqu'il est exprimé en devises fortes, le rapport qualité-prix est, par contre, rarement à leur avantage. Se pose alors la question des restructurations industrielles et des mises à niveau des entreprises qui n'est malheureusement pas résolue à ce jour en dépit des déclarations d'intention et des fonds qui, dit-on, leur sont consacrés aussi bien par l'Etat algérien que par des institutions étrangères.