La visite officielle effectuée mercredi et jeudi en Algérie par une délégation américaine politico-militaire, composée de hauts responsables du département d'Etat et du Pentagone, est autant énigmatique que la personnalité, atypique, de Donald Trump que les biographes qui se pencheront sur son parcours politique auront bien du mal à cerner, à catégoriser. Intervenant à quelques jours seulement de la fin du mandat de l'administration Trump, qui s'est achevé par l'acte désespéré de la prise d'assaut du Capitole par les partisans du président sortant, la programmation de la visite à Alger du sous-secrétaire d'Etat américain adjoint pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient, David Schenker, accompagné d'une délégation militaire de haut rang composée du général Jeffrey Harrigan, commandant des forces aériennes américaines en Europe et en Afrique, et de la secrétaire de l'armée de l'air, Barbara Barrett, suscite des interrogations. Par son caractère inédit, peu respectueux des usages diplomatiques, de nombreux observateurs se sont demandés quelle portée – politique, diplomatique, économique dans les relations bilatérales entre l'Algérie et les Etats-Unis d'Amérique – pourrait avoir un déplacement de représentants d'une administration dont le mandat prendra fin dans quelques jours ? Et qui, de surcroît, diverge fondamentalement sur des questions internationales de l'heure, vitales pour l'Algérie, dont notamment les dossiers du Moyen-Orient et du Sahara occidental. Les principes de la continuité de l'Etat, de la reconnaissance des traités, conventions et accords internationaux par les majorités politiques qui se succèdent au pouvoir énoncés dans les discours de campagne électorale ne résistent souvent pas à l'épreuve de l'exercice du pouvoir. Le sous-secrétaire d'Etat américain adjoint chargé du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord a fort opportunément rappelé cette exigence de la realpolitik lors de sa conférence de presse à Alger. Interrogé sur l'hypothèse d'une remise en cause de la décision de l'administration Trump de reconnaître la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, le représentant de la diplomatie américaine a souligné, pour la consommation interne, que les partis républicain et démocrate ont, chacun, leur propre vision de la politique étrangère. Cela, tout le monde le sait. Cependant, la diplomatie constructive implique le respect de l'éthique dans les relations internationales, et des partenaires que l'on a en face. La manière peu diplomatique, frontale, avec laquelle l'hôte de l'Algérie a exposé et défendu la position de son gouvernement en faveur de l'option du plan d'autonomie du Sahara occidental, sur le sol algérien, dans un pays qui connaît mieux que quiconque les souffrances endurées par la population sahraouie, privée de son droit légitime à la liberté et à l'indépendance depuis près d'un demi-siècle, a froissé les Algériens. Beaucoup ont vu dans cet exercice osé presque de la provocation, une forme de la diplomatie de la canonnière si chère au président américain sortant. Le haut responsable américain s'est manifestement trompé de tribune. L'allié marocain appréciera certainement ce tacle pour le moins irrévérencieux, en tout cas inamical et frôlant l'incident diplomatique, émanant d'un haut responsable d'un Etat ambitionnant de bâtir des relations privilégiées avec notre pays. L'accueil royal qu'il a reçu samedi à El Ayoun occupée éclaire un peu plus les arrière-pensées politiques du déplacement du diplomate américain en Algérie. Dans un communiqué au ton résolument ferme, qui tranche avec les positions passives classiques, marquées par le souci constant d'Alger de ne pas irriter la première puissance mondiale, notre pays a exprimé le souhait de voir Washington adopter une position d'impartialité dans le règlement des conflits régionaux et internationaux. Le message, on l'aura compris, est adressé à la nouvelle administration Biden qui entamera son mandat le 20 janvier courant. Advertisements