La campagne de la levée de liège année 2004 n'a pas profité au Trésor public. Ainsi en ont décidé les barons de la mafia du liège. Ils sont à l'origine du flou qui entoure la gestion du dossier liège dans la wilaya de Annaba. Les 3000 stères abandonnés depuis des mois et livrés au vol et à la déprédation dans les forêts de l'Edough sont une preuve de plus de l'existence de cette mafia. Cette situation n'a certainement pas été jugée importante pour entraîner une quelconque réaction de la direction des Domaines, propriétaire de ce patrimoine de l'Etat. Au vu de la déliquescence prévalant dans la gestion de cette institution au niveau local, tenter de sauver ce qui peut l'être dans nos forêts sur lesquelles la mafia a fait main basse relève de l'utopie. L'impression est consolidée par la réponse du premier responsable de cette institution à Annaba. « Je suis soumis à une autorisation préalable de la cellule de communication de la wilaya pour toute déclaration à la presse. Je confirme toutefois le problème que vous soulevez en ce qui concerne le liège », avait-il argumenté, après avoir difficilement admis notre présence dans son bureau. Déjà bien mal en point depuis des années, pratiquement effondrée durant la décennie noire, l'exploitation du liège, qui avait connu jadis des années florissantes, s'est transformée en une activité marginale. Qualifiées de précieuses à travers le monde, chez nous les suberaies (forêts de chêne-liège) sont livrées à toute forme de spéculation et de trafic. Les seules forêts de l'Edough faisaient vivre plus de 1500 familles. Elles permettaient à différentes communes, dont celle de Seraïdi, d'engranger de substantielles recettes. Principalement destiné à l'exportation à destination des viticulteurs français, italiens et espagnols, le liège de la région de Annaba est classé « haut de gamme » par les sylviculteurs. Une situation vécue récemment dans la wilaya de Annaba consolide ce qui se dit sur la place publique. Elle porte sur l'attribution, dans un cadre légal, de quelque 7000 stères de liège à deux sociétés, l'une publique implantée à Tizi Ouzou, l'autre privée. Ces deux sociétés avaient pris en considération le « haut de gamme » du liège de l'Edough pour se porter acquéreurs, chacune en ce qui la concerne, dans le cadre d'une vente aux enchères publiques. Durant tout l'été 2004, elles avaient effectué la levée, la pesée et le stockage des 7000 stères de liège. Bien après avoir été autorisées à entamer leurs récoltes respectives et alors qu'elles s'apprêtaient à les charger, les deux sociétés furent invitées à régler une part du montant du marché fixé par les Domaines. Dans l'incapacité de le faire, elles abandonnèrent sur site la totalité de leur récolte. Conséquence, depuis l'été 2004, plusieurs milliers de stères de ce produit (un chêne en offre 35 années après avoir été planté) sont à portée de main des maraudeurs. Et même si, dans ce secteur, la Gendarmerie nationale est intransigeante dans le contrôle de tout transport de liège, éradiquer le trafic relève de l'impossible. « Ils sont connus et bénéficient de complicités à tous les niveaux. En ce qui concerne la méthode de levée pratiquée, ce n'est ni plus ni moins qu'un massacre de chênes. Avant leur abandon inexpliqué, les levées sont effectuées par des leveurs inexpérimentés dans l'extraction de l'écorce. Ils travaillent l'arbre sans même penser à préserver la couche génératrice. Abîmée ou même blessée, cette fine pellicule, appelée mère, n'est plus en mesure de régénérer l'écorce protectrice, et l'arbre meurt victime de parasites. Nous avons à maintes reprises attiré l'attention des responsables du secteur sur la question, en vain », a indiqué un des riverains de l'Edough concernés par la mise en application du programme de développement rural. Ce qui s'apparente à une déforestation légalisée et à un crime économique au profit de titulaires de comptes bancaires domiciliés à l'étranger n'est apparemment pas digne d'intérêt pour le directeur des Domaines en charge de ce patrimoine. Entre-temps, d'autres « parasites » humains pillent quotidiennement toute la forêt de chêne-liège de l'Edough. Cédé aux enchères à2000 DA le stère, ce liège atteint 8000 DA en deuxième main avant son exportation au prix fort vers l'Europe via le réseau de la mafia du liège. Au vu et au su de tous, cette dernière continue de sévir dans toutes les forêts des régions de l'Est.