-Qu'est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ? Il faut savoir que j'écris souvent. Mais c'est cet ouvrage qui a été publié. En fait, comme je me déplace de façon régulière, car je travaille à Biskra, à Laghouat et à Djelfa. J'ai commencé à écrire sur la ville de Biskra, l'année dernière, à l'occasion du rapatriement des crânes des résistants algériens. J'ai aussi beaucoup d'admiration pour la bataille de Zaâtcha qui a eu lieu en 1849 où tout le village a été exterminé. C'est une bataille exemplaire et c'est dommage qu'on l'évoque si peu. Quand j'ai vu ce rapatriement, j'ai été très touché et je me suis dit que je devais rendre hommage, mais à ma manière. Au début, je voulais écrire un simple voyage entre Alger et Biskra en traduisant ce que je voyais sur le plan historique et sur ce que ma mémoire voyait. Et puis, quand j'ai vu ce qui s'était passé lors de la bataille de Zaâtcha et celle de Palestro, je me suis rendu compte que le voyage que je faisais était un voyage dans l'histoire. -De l'idée à la finalisation, combien de temps cela vous a pris pour l'écriture ? Ce livre, je l'ai écrit pendant la pandémie du coronavirus. J'ai pu grâce à cela m'y mettre, car avant, lorsque j'écrivais, je mettais tout de côté. Il y a eu aussi une personne, la pédagogue Djoher Amhis-Ouksel, qui a eu un rôle très important dans la publication de ce livre. C'est elle qui m'a encouragé. D'ailleurs, elle a même préfacé l'ouvrage. -Tous les lieux que vous décrivez, vous les avez visités un à un... Etant donné que je fais beaucoup de route, je me suis un peu lié d'amitié avec les paysages, les montagnes, les routes que je traverse, et même les oueds. Ils sont comme des personnages. Les montagnes par exemple représentent les premiers remparts contre la colonisation. Elles ont souffert autant que nous, brûlées autant que nous. Mais elles nous ont aussi protégés. Nous avons un rapport assez sacré avec la nature. Les arbres ont également souffert. Il n'y a pas une région qui n'a pas résisté et qui n'a pas été blessée. C'est une blessure qui est tapie au plus profond de nous. Lorsque l'on voit cette résistance, on remarque qu'elle fait partie de notre patrimoine. C'est l'événement identitaire de tous les Algériens. Et ce que je voulais à travers mon ouvrage, c'est leur rendre hommage. -Ces lieux portent encore la trace de l'histoire et de la souffrance humaine, qu'avez-vous ressenti en voyant ces lieux ? Chaque fois que je pars, cela m'inspire, cela me ressource, mais surtout cela me donne du courage et beaucoup de bravoure. Quand je passe à proximité de Biskra, je peux voir par exemple un village entier bombardé qui est aujourd'hui enseveli. -Parmi les personnes que vous avez rencontrées, quelle a été celle qui vous a marqué le plus en ces lieux ? Eh bien, je dirais que c'est à travers une rencontre avec Hadj Djemaï de Doucen (commune de la wilaya de Oued Djellal) que j'ai pu faire une découverte qui m'a beaucoup touché. Ce dernier avait trouvé une sacoche qui contenait un agenda appartenant à un maquisard de l'ALN tué le 28 octobre 1961, Mohamed Abdelhamid. Dans une des dernières pages de ce même agenda, à la première de la nouvelle année, ce maquisard avait réalisé un dessin, une carte de l'Algérie. Il était si jeune, 21 ans. Je le voyais comme un rêveur. J'ai pu même voir à quoi il ressemblait grâce à la photo que Hadj Djemaï avait trouvée. Cependant, je trouve que je ne lui ai pas assez rendu hommage dans mon ouvrage. En fait, je l'ai écrit de manière à ce que ce soit un voyage, je ne voulais pas que ce soit ennuyeux. -Il y a dans votre ouvrage plusieurs illustrations, quelle est la raison de ce choix ? Oui, en effet, et d'ailleurs c'est moi qui les ai prises. Toutefois, je n'ai pas la prétention d'essayer d'envoyer un message. Ce que je veux plutôt, c'est lancer un débat. Un débat autour de nous tous. Un débat sur l'Algérie, car ce n'est pas celle qui est définie géographiquement ou celle qui est dessinée en pointillé par la France, mais celle qui existe depuis des millénaires. De plus, il y a deux choses qui sont importantes. L'Algérie est caractérisée par la résistance et par la tolérance. Toutes les tribus et régions que je voulais décrire que ce soit Tizi Ouzou, Médea... Toutes ces populations ont vécu une forme d'organisation tribale, mais il n'y a jamais eu cette haine entre les régions. Il y avait une tolérance extraordinaire. Tout ce qu'on a vécu a fait de nous ce que nous sommes. Notre identité, notre patrimoine. L'Algérie, c'est la langue arabe, c'est l'Islam, l'amazighité, la tolérance et la résistance, c'est les cinq piliers de l'Algérie, on peut les appeler comme ça. Et si on se ressource, nous pouvons régler tous nos problèmes, entre autres, la haine qu'il y a entre les régions qui est, selon moi, une création française. -Etant donné que cet ouvrage est le premier d'une série, quand avez-vous l'intention de nous faire découvrir le prochain ? Le prochain ouvrage s'intitule Alger-Laghouat. Il est terminé et sera très bientôt publié.