L'anticipation des crises en Algérie n'a jamais été pour nos responsables un outil privilégié de la gouvernance et de la gestion des défis majeurs qui se posent au pays. Le scénario est toujours le même : on attend que le mal s'installe et prend des proportions alarmantes pour que les pouvoirs publics sortent de leur léthargie pour tenter de dénouer les crises. Il a suffi de quelques actions de protestation de rues, de coupures de routes et de pneus brûlés pour que des projets de forages d'eau, de stations de dessalement d'eau de mer soient annoncés en grande pompe, dans le cadre d 'un plan d'urgence pour juguler la crise de l'eau. Jeudi, lors de la signature des contrats de réalisation, en présence du ministre de l'Energie et de des Mines, Mohamed Arkab, et celui des Ressource en eau et de la Sécurité hydrique, Kamel Hasni, des walis d'Alger et de Boumerdès, les responsables de Sonatrach et de Cosider en charge de la réalisation des projets d'usines de dessalement d'eau de mer se sont voulus plus que rassurants, allant même jusqu'à parier sur des excédents de production. Il n'est pas interdit de rêver ! Le même scénario révélant l'état d'imprévoyance de la gestion de la chose publique se répète avec la pénurie d'oxygène qui suscite auprès des citoyens un climat de psychose collective depuis quelques jours. Là aussi, on a péché par une gravissime absence d'anticipation pour assurer la disponibilité, de façon permanente et partout, dans les structures hospitalières du pays, de ce produit vital qui ne peut pas souffrir de la moindre rupture, car il y va de la préservation des vies humaines. Le gouvernement était comme sonné par la violence de cette troisième vague, dont il a sous-estime l'ampleur et les effets. De nombreux malades hospitalisés ou maintenus en soins à domicile ont succombé des suites de détresse respiratoire faute d'oxygène. La nouvelle a créé un vent de panique dans les foyers des Algériens qui se sont rués, pour ceux qui en ont les moyens, sur l'acquisition de concentrateurs d'oxygène pour faire face à un coup dur. Les images relayées par les réseaux sociaux d'hôpitaux saturés, de malades installés sur des brancards ou assis sur une chaise, encombrant les couloirs des services Covid des hôpitaux, faute de lits disponibles, branchés à un concentrateur d'oxygène ramené par la famille du patient, ont soulevé l'indignation des Algériens et provoqué un sentiment de panique générale, sachant que nul n'est à l'abri et que n'importe qui peut se retrouver dans cette situation. Comment se peut-il que nos responsables politiques et administratifs n'aient pas vu les choses venir, alors que les professionnels de la santé n'avaient eu de cesse d'alerter, à temps, sur l'arrivée foudroyante de la troisième vague alimentée par le nouveau variant Delta, qui s'est répandu à travers le pays avec une incroyable vitesse en un court laps de temps ? Il a fallu que l'oxygène vienne à manquer et que des décès soient déplorés pour que soient levées les contraintes bureaucratiques lourdes et insensées d'importation des concentrateurs d'oxygène ! Sur la même lancée, annoncé jeudi par le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, le plan d'urgence d'approvisionnement des structures hospitalières en oxygène par la production locale et le recours à l'importation de quantités importantes pour faire face à la pénurie d'oxygène, a un goût aigre-doux. C'est sans doute une immense bouffée… d'oxygène, un grand soulagement pour les vies qui seront sauvées par les nouveaux apports attendus, mais dans un Etat qui se respecte, ce triste épisode de pénurie d'oxygène qui n'aurait jamais dû survenir, de surcroît dans un état d'urgence sanitaire, ne devrait pas rester impuni ; il ne peut pas passer par pertes et profits. Parce qu'il y a eu mort d'hommes, un délit dûment établi de non-assistance à personnes en danger, les responsabilités doivent être situées et les sanctions prises à l'encontre des responsables défaillants. Advertisements