Le journaliste d'El Watan, Nourredine Nesrouche, arrêté lundi matin à Constantine, a été relâché en début de soirée après une journée passée dans les locaux des services de sécurité. Interpellé vers 10h devant une clinique où il avait rendez-vous chez le médecin, notre confrère n'a été remis en liberté provisoire qu'à 20h30, après avoir été déféré devant le parquet de Constantine, où le procureur a décidé de le poursuivre pour «atteinte à la sûreté de l'Etat» en vertu de l'article 79 du code pénal. Ce dernier avait même demandé son placement sous contrôle judiciaire. Noureddine Nesrouche a été présenté, le jour même, devant le juge d'instruction qui a décidé, après son audition, de le remettre en liberté provisoire. Mais dans la journée d'hier, nous déclare Me Boudjema Ghechir, le procureur a fait appel de la décision du juge d'instruction. «L'affaire sera tranchée désormais au niveau de la chambre d'accusation», affirme l'avocat. Que reproche-t-on à Noureddine Nesrouche ? Seulement le contenu d'un article de presse, qui est de surcroît un éditorial sous le titre : «La leçon chilienne». «J'ai été arrêté à l'entrée de la clinique par des agents en civil. L'interrogatoire a commencé aussitôt après. On m'a interrogé sur le fond de l'article et le parallèle fait entre l'expérience chilienne et la situation politique en Algérie. On m'a posé aussi des questions sur moi en me demandant si j'ai des relations avec des ONG étrangères, si je connais des journalistes étrangers et si je suis membre du mouvement Mowatana», relate-t-il. Pendant tout l'interrogatoire, il n'a pas été autorisé, conformément à la loi, à contacter sa famille et son avocat. «J'ai demandé à maintes reprises une autorisation de contacter ma famille. Mais on me l'a refusée. Ils n'ont accepté qu'à la fin de l'interrogatoire, vers 17h», précise-t-il. Mais les peines du journaliste n'étaient pas terminées. Il a été aussitôt déféré devant le parquet de Constantine, où il a aussi été interrogé, pendant deux heures, sur le contenu du même article jugé «subversif». «Inacceptable !» Précisant que ce genre de procédés «ne lui fait pas peur», le journaliste se dit en colère contre le fait de devoir s'expliquer sur le contenu d'un article, qui, de plus, est un éditorial, devant les éléments des services de sécurité dans un pays où la liberté de la presse est censée «être protégée par la Constitution». Réagissant à cette affaire, le directeur de publication du quotidien El Watan, Mohamed Tahar Messaoudi, déclare «inacceptable cette arrestation de notre journaliste». «L'arrestation de Nouri nous conforte dans notre conviction que l'état des libertés d'une manière générale connaît une régression effarante dans notre pays. Le reproche fait à notre journaliste se résume à une interprétation approximative de certains passages de son commentaire, publié dans notre édition du 23 décembre 2021. En d'autres termes, on suppose ou on croit deviner qu'il y a allusion à quelque chose de répréhensible par la loi. Cela est inacceptable d'un point de vue moral et éthique», déclare-t-il. Et de préciser : «Les idées développées dans le commentaire de Nouri Nesrouche ont une portée politique et sociologique et donc doivent être soumises à un débat intellectuel. Elles ne peuvent pas faire l'objet d'une lecture tendancieuse tout juste pour incriminer le journaliste.» De son côté, l'avocat Boudjema Ghechir dénonce aussi le fait que le «droit du journaliste de contacter son avocat n'a pas été respecté lors de sa comparution devant le tribunal». «Nos responsables ne suivent pas l'évolution de la société en interne et au plan international. Ils continuent toujours de croire que les Algériens sont des mineurs et qu'ils sont chargés de les protéger», déplore-t-il. Advertisements