Cette fois, c'est fait, puisque le dernier soldat syrien a quitté hier le territoire libanais, quelques jours à peine avant l'expiration de l'ultimatum fixé par la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Reste maintenant pour les initiateurs de cette résolution à résoudre certaines questions sensibles, avec la poursuite de l'occupation israélienne d'une portion du territoire libanais, appelée les fermes de Chebaâ, ou encore le désarmement de groupes armés ou milices puisque le terme est à la mode. Et sur cette question particulièrement, de nombreux Libanais ont décidé de prendre leurs distances avec la fameuse résolution du Conseil de sécurité. Ils considèrent - et ils ne le cachent plus - que le désarmement du Hezbollah, qui mène la résistance face à l'occupation israélienne, est une affaire interne qui devrait être réglée par les Libanais eux-mêmes. Quant aux Palestiniens forts d'un accord avec les autorités libanaises, ils refusent de reconnaître cette clause qui les vise eux aussi. Le président du Fatah a d'ailleurs rejeté à Beyrouth même l'idée d'un désarmement des mouvements palestiniens cantonnés dans les différents camps de réfugiés dont ils assurent la sécurité et la défense. Tout le monde a en mémoire le siège et le bombardement des camps de Sabra, Chatila et Bordj El Barajneh par le mouvement Amal. Et quand bien même ces questions seraient réglées, resterait celle du système libanais confessionnel que l'écrivain libanais Ghassan Salamé fait remonter au XIXe siècle alors que le pays aspire à se faire sur d'autres bases. Autant de questions soulevées alors que se déroulait une cérémonie d'adieux aux soldats syriens, venus au Liban en 1996 dans le cadre de la Force arabe de dissuasion (FAD) qui n'avait d'arabe que le nom, puisque sa composante était exclusivement syrienne. La cérémonie d'adieux aux forces syriennes a eu lieu hier en présence de la hiérarchie militaire des deux pays sur l'aéroport militaire de Rayak, dans la Bekaâ, près de la frontière syrienne, peu avant le départ des 300 derniers soldats de Damas. Au son de la fanfare, la cérémonie était diffusée en direct par la télévision syrienne. Outre le général syrien Rustom Ghazalé, qui a commandé les puissants services de renseignements syriens au Liban, étaient présents à cette cérémonie, le commandant en chef de l'armée libanaise Michel Souleiman et le chef d'état-major syrien Ali Habib. Juste après le début de la cérémonie - qui marque la fin officielle du retrait militaire syrien du Liban - les chefs des commandements syrien et libanais ont dévoilé une stèle en marbre érigée en l'honneur des 12 000 soldats syriens tués au Liban, la plupart durant l'invasion israélienne de 1982. « Nous ne les oublierons jamais », ont lancé d'une seule voix les quelque 300 soldats de la troupe libanaise sur fond de battements de tambours. Ensuite, des échanges de décoration ont eu lieu. 31 militaires syriens, dont le général Ghazalé, ont reçu des médailles de la part d'officiers libanais, tandis que 15 militaires libanais, dont le général Souleiman, recevaient en retour des médailles syriennes. Cette cérémonie mettait fin à trois décennies de présence militaire syrienne au Liban. Avant le début du retrait syrien, à la suite de l'assassinat le 14 février de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, il restait encore sur le sol libanais 14 000 soldats de Damas. A l'issue de cette cérémonie dans la caserne de Rayak, qui sert également d'aérodrome militaire, et qui date du mandat français, il ne restera « plus aucun militaire ou membre des services de renseignements syriens au Liban », a déclaré le général libanais Elias Farhat, porte-parole de l'armée libanaise. « Dès la fin de la cérémonie, les forces syriennes partiront, et il ne restera plus aucun militaire ou membre des services de renseignements syriens au Liban après cela », a affirmé le général Farhat. « Les relations libano-syriennes resteront solides et régies par l'accord de fraternité et de défense de 1991 », a-t-il ajouté. Presque dans le même temps, le Parlement libanais entamait l'examen de la déclaration de politique générale du nouveau gouvernement qui compte organiser des élections législatives dans les délais constitutionnels, avant de voter la confiance. Cette déclaration, lue par le Premier ministre Nagib Miqati devant la Chambre, stipule que le scrutin aura lieu avant le 31 mai sur la base de l'ancienne loi électorale de l'an 2000, si une nouvelle loi, exigée par l'opposition, n'est pas votée à temps. M. Miqati avait annoncé vendredi qu'il comptait organiser les législatives le 29 mai, sur la base d'un « mécanisme » dont il n'avait pas dévoilé les détails, si son gouvernement obtient la confiance. Le Parlement devra voter la confiance à un cabinet de 13 ministres au lieu des 14 initialement annoncés, le titulaire du ministère de la Culture et de l'Education, Ghassan Salamé, qui a refusé de participer au gouvernement, n'ayant toujours pas été remplacé. M. Miqati s'est par ailleurs engagé à faciliter le travail de la Commission d'enquête internationale de l'Onu chargée de faire toute la lumière sur l'assassinat de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri le 14 février, « afin d'établir la vérité et de traduire en justice les coupables ». Le Premier ministre libanais a remercié l'armée syrienne « pour nous avoir aidés à sortir de la guerre civile et à reconstruire les forces armées libanaises ». Il a appelé à la mise en place de « relations plus solides entre les deux pays dans tous les domaines, basées sur le respect de la souveraineté de chacun d'eux ». M. Miqati a enfin défendu le Hezbollah, qui a dix députés au Parlement mais dont la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'Onu demande le désarmement. Le message est fort.