Dans une correspondance adressée au président de la République, maître Boudjmâa Ghachir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), a vivement critiqué les conclusions du mécanisme ad hoc mis en place par le chef de l'Etat afin de faire la lumière sur le drame des disparus. « L'installation de cette commission a été une lueur d'espoir pour des milliers de familles de disparus. Mais cet espoir s'est brusquement estompé, et ce, pour plusieurs raisons », a-t-il consigné dans son rapport. Selon Me Ghachir, le président de ce mécanisme, en l'occurrence Me Farouk Ksentini, s'est « laissé embringuer dans une litanie de déclarations, de conférences et d'interviews avec des préjugés comme toile de fond ». Les déclarations, comme « l'Etat est responsable mais non coupable, les pouvoirs publics sont prêts aux indemnisations, l'inexistence de centres de détention secrets... », sont autant de préjugés relevés par le président de la LADH. L'avocat a également constaté des « manquements méthodologiques » dans le travail du mécanisme ad hoc. Ainsi, a-t-il écrit, « les prérogatives de cette structure ont été diluées dans celles de la Commission nationale consultative de la promotion et de la protection des droits de l'homme (CNCPPDH), une commission héritière de l'ancien Observatoire national des droits de l'homme qui s'est distingué par sa gestion peu inspirée du dossier des disparus ». Pour étayer ses dires, Me Ghachir a souligné que « l'administration de l'Observatoire a classifié les cas de disparitions en quatre catégories. Il s'agit des personnes enlevées par les groupes terroristes, des personnes qui ont rejoint volontairement le maquis, de celles qui ont fui le pays pour s'établir dans un pays étranger et enfin des personnes détenues dans des centres secrets ». Plus loin, le rédacteur du rapport a estimé que l'Observatoire ne prenait en considération que les requêtes entrant dans les trois premières catégories, ce qui a, selon lui, fait perdre la crédibilité à cet organisme. « Pour ne plus reproduire ce genre d'erreurs », le président de la LADD a suggéré la mise en place d'un cadre organisationnel pour les familles des disparus, ce qui, à ses yeux, implique nécessairement la reconnaissance officielle des associations et des ONG défendant la mémoire des disparus. Il a, en outre, demandé au Président la réouverture des bureaux chargés de récolter les doléances et les déclarations des familles et la « prise en charge provisoire de ces familles » en attendant la résolution définitive de ce problème. Néanmoins, pour Me Ghachir, le règlement de ce drame passe inéluctablement par un travail de vérité, de justice et d'équité. A ce titre, il a appelé, dans son rapport, à l'exhumation des corps ensevelis dans des fosses communes, la réalisation des expertises génétiques pour identifier ces corps et la poursuite des recherches sur le sort des personnes détenues dans des centres secrets. Il faut également, selon l'avocat, déterminer la responsabilité des auteurs de ces enlèvements et engager des poursuites judiciaires à leur encontre. « Le fait d'identifier les personnes coupables permettra de mettre en cause les institutions de la République », a-t-il soutenu.