Le retour en Algérie d'Amnesty International suscite déjà la polémique. Lors de la rencontre-débat organisée hier au forum d'El Moudjahid sur l'amnistie générale, que le président Abdelaziz Bouteflika compte soumettre à référendum, Farouk Ksentini a déclaré que la Commission consultative algérienne des droits de l'homme qu'il dirige entend « réserver des moments difficiles » à la puissante ONG internationale. « Ces ONG se sont lourdement trompées » au sujet de l'Algérie, a-t-il souligné. Amnesty International, qui a reçu le visa des autorités algériennes, envisage de séjourner pendant quinze jours en Algérie. Pour les besoins de son enquête sur la situation des droits de l'homme, elle compte, en plus des ONG locales, rencontrer le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Yazid Zerhouni. Le ministre de l'Intérieur sera interpellé au sujet de l'état d'urgence décrété le 9 février 1992, à la suite de l'interruption du processus électoral et le basculement dans le terrorisme du FIS dissous. Amnesty International devra plaider pour l'abrogation de cette loi d'exception en focalisant sur les entraves qu'elle dresse devant les libertés individuelles et collectives, notamment les manifestations publiques. De nombreuses ONG algériennes, particulièrement la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), présidée par Ali Yahia Abdenour, a fait de la levée de l'état d'urgence une priorité. Une levée qui, selon la LADDH, contribuera à l'édification de l'Etat de droit, car l'appareil judiciaire, ajoute-t-elle, demeure sous « le contrôle permanent de l'administration » et les décisions de justice « bloquent le fonctionnement » des associations. Farouk Ksentini, pour sa part, a également soutenu récemment que le maintien de l'état d'urgence était « injustifié ». Amnesty International devrait, par ailleurs, être reçue par Mohamed Bedjaoui, fraîchement installé à la tête du ministère des Affaires étrangères. Après cinq années d'absence, le retour d'Amnesty International intervient dans une conjoncture particulière, avec la reconnaissance par la commission Ksentini de l'implication des agents des forces de sécurité dans la disparition de 6146 personnes entre 1992 et 1999 et la préparation d'une loi d'amnistie générale. A Alger, on craint que l'ONG internationale ne vienne jouer au trouble-fête, d'autant que les associations des familles des disparus ont opposé une fin de non-recevoir à l'amnistie générale si l'Etat ne révèle pas toute la vérité et si le pardon ne leur est pas demandé. « Les ONG, telles que Amnesty International, ont donné une fausse image de l'Algérie », a indiqué, pour sa part, l'avocat Miloud Brahimi. Selon lui, le retour de l'ONG internationale vise à remettre en cause l'amnistie générale et la réconciliation nationale. Amnesty International s'est certainement invitée au « débat ». Farouk Ksentini a annoncé la venue d'autres ONG, notamment Human Rights Watch.