“Les premiers cas de sida dans notre pays sont apparus en 85, c'était à l'époque, il est vrai des immigrés… 20 ans après, beaucoup restent sur cette image, cette considération que c'est la maladie de l'étranger… C'est totalement obsolète de penser encore cela car il y a un réservoir qui est présent ici dans notre pays !… Les pratiques sexuelles ont évolué et la contamination se fait dans le mariage !…” Ces propos, qui ne se veulent pas alarmistes, mais réalistes, ont été prononcés par le Dr Tedjine, président d'une association locale de lutte contre le sida et membre de l'Association algérienne pour la planification familiale (AAPF) qui organisait, hier, au Cridissh à Oran, une rencontre à l'occasion de la Journée internationale des familles. Le thème de cette année pour cette journée internationale était justement le “VIH-sida et ses effets sur le bien-être de la famille”. Les conférenciers, médecins, épidémiologistes et des professeurs d'université, qui sont intervenus, ont eu le mérite de dire sans tabou ce qu'est aujourd'hui le sida dans notre pays, les faits aggravant de la contamination, qui sont de plus en plus nombreux, la problématique de la prise en charge, les effets sur la famille… Ainsi, l'un des intervenants, qui exerce à Oran, se refusera à livrer des statistiques sur le nombre de cas de sida dans notre pays parce que dit-il “les chiffres qui existent ne sont pas du tout à l'image de la réalité…” Mais sur notre insistance, ce dernier finira par nous dire que sur Oran, à titre indicatif : “2 nouveaux cas sont enregistrés chaque semaine !…”. Un chiffre affolant qui balaie d'un coup les statistiques officieuses ou officielles quant à l'évolution et la propagation du virus. Les intervenants étaient, en effet, unanimes pour amener, à travers leurs propos, à une prise de conscience de la société et des pouvoirs publics et d'évoquer ce qu'ils appellent les faits aggravants de la contamination par le VIH dans notre pays. En effet, l'évolution de notre société et des mœurs, font que “les pratiques sexuelles ont évolué, certaines sont dangereuses et se développent comme la sodomie sans qu'ils puissent y avoir de contrôles...”, dira un intervenant qui ressentira aussitôt le besoin et la nécessité de dire qu'il parle en tant que médecin et citoyen. Le recul de l'âge du mariage qui est structurel, 30 ans pour les femmes et 33 ans pour les hommes, fait aussi que les relations sexuelles hors mariage sont de plus en plus fréquentes puisque le célibat est plus long et donc il y a plus de possibilités d'être infecté. Le Dr Tejdine dira encore que parmi ces facteurs aggravants, il y a la toxicomanie et la prostitution : “La prostitution est florissante et de plus en plus précoce chez le garçon, comme chez la fille...” et de lâcher “la société ne s'assume pas...” Le discours virulent et tranché de certains, qui veulent rendre la parabole responsable de la dégradation des mœurs algériennes et de la culture, est rejeté par les orateurs qui voient dans cette évolution, certes, des facteurs économiques, sociaux, mais aussi le fait que le modèle familial subit lui aussi une mondialisation. Pour revenir à la prévention, les médecins pensent qu'il faut trouver les moyens de se protéger tout en respectant le cadre culturel et d'éduquer la famille en allant vers elle. Car lorsqu'un membre de la famille est atteint du VIH-sida, c'est toute la famille qui est malade, l'impact économico-social n'épargnera aucun membre de cette famille. Les enfants étant les plus vulnérables. Quant à savoir si la trithérapie est disponible dans notre pays, le Dr Chafi nous répondra par la positive, mais le problème n'est pas tant de la disponibilité de ce traitement, mais de son coût pour les familles et le malade et son accessibilité au plus grand nombre. F. boumediene