Le bruit des engins se fait entendre à plusieurs centaines de mètres à la ronde. Un nuage de poussière « flotte » au gré d'une légère brise, en cet après-midi du 24 mai. Les passants sont contraints de boucher le nez. La rue des Fusillés, qui s'étale du rond-point Farnane Hanafi (Ruisseau) au pont ex-Lafarge, est un immense chantier, ou plutôt des chantiers distincts dont la particularité est de servir la même « cause », explique le wali délégué d'Hussein Dey. Celle qui consiste à transformer la zone en un nouveau « centre de gravité » de la capitale. Fin des derniers vestiges Pour ce faire, il faudra dégager des terrains d'assiette. Les vieilles bâtisses, édifiées pour la plupart au début du XXe siècle, seront démolies, sans exception. L'administration a commencé par les bâtiments appartenant à des entreprises du secteur public. « Il y a moins de tracasseries, en plus du fait qu'ils ne sont plus occupés depuis des années », soutient-on. Derniers vestiges de ce qui fut, durant la période coloniale, le prolongement de la zone industrielle d'Alger, des monticules de gravats attendent d'être enlevés. Une opération déclenchée systématiquement au fur et à mesure du passage de la pelleteuse, rassure un chef de chantier. Reste le célèbre « boulevard des rôtisseries », aussi vieux que le quartier et non moins connu pour ses délicieuses brochettes. Ayant pignon sur la rue des Fusillés, la quinzaine de rôtisseries devra également plier bagage. « C'est la fin d'une époque », soupire un propriétaire, s'empressant toutefois d'adhérer à la décision des pouvoirs publics d'édifier des « buildings en verre ». « Je ne suis pas contre la rénovation de ce quartier ni d'ailleurs contre mon expropriation. Mon départ d'ici est incontournable. Seulement, je voudrai savoir si les autorités ont pris en compte la valeur de mon fonds de commerce. Le lieu est connu depuis des lustres. J'arrêterai carrément cette activité si on me propose un local à Dergana », s'inquiète-t-il. Même son de cloche chez son voisin, sauf que celui-ci à « une idée à proposer » aux décideurs. « Pourquoi ne pas nous transférer vers la zone des Sablettes ? J'ai entendu dire que cette zone sera aménagée en aire de détente et de loisirs. Je trouve que le lieu s'y prête absolument. » Juste derrière les rôtisseries, les bâtiments des abattoirs municipaux. Construits en 1921, ces locaux figurent également dans la liste des démolitions. Un vieil homme, qui y habite depuis 1963, n'y voit aucun inconvénient. « Avec la création de ce nouveau pôle, nous saurons au moins où va l'argent du peuple », dit-il, nous prenant pour des agents de l'Etat. Selon un agent, les nouveaux abattoirs seront édifiés à Baba Ali, à 20 km au sud d'Alger. Au niveau du site de la future station de métro, c'est le branle-bas de combat. A proximité, où il est prévu une ligne de tramway, c'est la même cadence. Métro et tramway, deux moyens d'accès vers le futur quartier de la Défense, version algérienne.