Alors que les astres s'étaient donné rendez-vous pour une valse matinale, c'est madame météo, jalouse, qui décida dans un dernier soubresaut de gâcher la danse. Ou le spectacle. Nuage, pluie... autant d'ingrédients pour faire comprendre à l'homme que si sa science a permis de prédire certains phénomènes tels que les éclipses solaires, d'autres restent encore méconnus ou mal maîtrisés. Dame Nature, ou plutôt l'Office national de météorologie (ONM), par la voix de son chargé de la communication, M. Chougrani, explique qu'au contraire, la météo avait lancé un bulletin depuis trois jours qui présageait une perturbation atmosphérique sur la région nord côtière. Mais le lien n'a pas été fait avec l'éclipse du 3 octobre et surtout, selon M. Chougrani, « nous n'avons pas été associés au CRAAG ni aux autres structures qui s'occupent de l'astronomie ». Vengeance de Madame météo ? Non. « C'est désolant pour le citoyen, bien que certains ont été prévenants puisque nous avons reçu des coups de téléphone de particuliers qui désiraient s'informer de l'état du ciel pour le 3 octobre et surtout si cela valait le coup d'acheter des lunettes de protection », précise le chargé de la communication de l'ONM. Sur les hauteurs d'Alger, à Bouzaréah, dans la vaste demeure du Centre de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (CRAAG), ils sont venus nombreux observer l'éclipse. Scientifiques ou simples curieux accompagnés d'enfants attendent, lunettes à la main, que la Lune cache le Soleil. Ils ne verront rien. Des gouttes de pluie insultent les fameuses lunettes distribuées par le centre. De gros nuages assombrissent l'esplanade et font barrage à la vue. Et parce que Bouzaréah ne rompt pas avec la tradition automnale, le vent s'invite outrageusement. Vent qui oblige chacun à garder les mains sur les fameuses lunettes pour qu'elles ne s'envolent pas, mais un vent clément avec des nuages qui donnent bien l'impression de « pomper » l'air aux présents. Ils ne bougent pas. A Alger, l'éclipse ne sera réellement visible que vers 11h20. La fin de l'éclipse. La fin d'une valse à deux où chacun des partenaires se sépare pour reprendre une solitaire course. La fin d'une rencontre amoureuse voilée par des nuages complices et pudiques. Et tandis que la Lune et le Soleil projetaient de se retrouver, à 8h30, hier, 3 octobre, les rues d'Alger étaient pleines de monde. Comme tous les jours à la même heure ? Un peu plus de monde et surtout un monde plus pressé. « Parce qu'il va pleuvoir », explique un passant. Pinocchio aurait peut-être fait mieux. La circulation est dense, sans être complètement bouchée. Le rond-point de la place du 1er Mai connaît quelques embouteillages en ce début de matinée. Il se videra complètement à 9h. Comme la plupart des grandes artères. Quelques retardataires s'activent, des voitures ont allumé les veilleuses. On marche la tête baissée. Le temps est couvert et on se demande si l'éclipse a commencé. Certains groupes de jeunes dans les rues de Belcourt n'ont pas bougé d'un centimètre. Ils tiennent toujours le mur et la poitrine gonflée. Ils semblent vouloir braver le monde. On a peur, mine de rien. Superstition ancestrale du ciel qui tomberait sur nos têtes. Ou peur uniquement d'avoir à croiser une des radiations assassines pour la rétine. A Zghara, au-dessus de Notre-Dame d'Afrique, des voitures sont stationnées sur le bord de la route. Le panorama est magnifique sur la ville d'Alger, la mer et le ciel. Des familles sont sorties du véhicule pour observer l'éclipse. Quelques mètres plus bas, au dernier virage, d'autres voitures sont stationnées. Mais avec personne à l'intérieur. Les propriétaires des véhicules sont dans la mosquée pour la prière du koussouf récitée pour ce type d'événement. Sereins ou angoissés, les citadins ont vécu l'événement. Une éclipse qui s'est pourtant éclipsée. Et comme criait un jeune de Belcourt : « Ma qayin walou ! » (il n'y a rien !).