Cet Algérien natif de la région d'Oujda (Maroc) a consacré toute sa vie à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et le développement culturel et éducatif national. A l'âge de 10 ans, il avait appris le Coran intégralement, avant de l'étudier. Après s'être rendu à Sig (1927) et Tighennif (1929) à la rencontre des éminents chouyoukh des mosquées, penseurs de surcroît, il se rend à Oujda pour étudier le droit. En 1933, cheikh Yakoubi El Oujdi avait décroché avec succès le concours de l'imamat qui avait regroupé 107 candidats. Il était classé en deuxième position après le père du défunt Dr Aroua. Les épreuves écrites et orales de ce concours n'avaient rien à envier, selon les témoignages, à celles de l'agrégation. Après l'obtention du diplôme à ce concours, il rejoint la mosquée de Bir Mourad Raïs (Alger) avant qu'il ne soit muté à celle de Sour El Ghozlane (ex-Aumale) en 1938. Il avait adhéré au mouvement national au début des années 1940 en intégrant les rangs du PPA de Messali Hadj. Très actif, cet enseignant et prédicateur utilisait la tribune de la mosquée pour sensibiliser les citoyens algériens. Les forces coloniales l'arrêtent le 21 février 1941 pour l'expulser et l'envoyer en exil au Maroc, car il participait à des réunions secrètes dont l'une avait été présidée par le défunt Mohamed Khider. Ayant bénéficié d'une amnistie, grâce à l'intervention de quelques personnalités influentes, l'enseignant exilé par les forces coloniales d'occupation est retourné à Koléa. En 1944, cheikh Yakoubi El Oujdi avait créé une école coranique dans cette ville qui constituait un des bastions du militantisme pour la cause nationale d'une part, mais d'autre part Koléa demeurait un carrefour incontournable pour toutes les civilisations qui avaient marqué l'histoire de la région centre de l'Algérie (ndlr, la Mitidja). Après l'avoir dirigée durant plusieurs années, il avait confié en 1947 cette école coranique à l'Association des ouléma. Avant d'être désigné imam de la Grande Mosquée d'Alger et la mosquée Ketchaoua, cheikh Yakoubi El Oujdi était l'imam de la mosquée de Koléa pendant 30 ans. Il avait accentué ses activités politiques secrètement en compagnie de moudjahidine, tels Embarek Sid Ali, Mohamed Bouzouzou, qui sont tombés en martyrs. Harcelés par les forces coloniales dès le déclenchement de la guerre de Libération nationale, en 1956 cheikh Yakoubi El Oujdi avait déjoué les plans de sa capture pour fuir Koléa et se diriger vers les frontières algéro-marocaines afin de continuer son combat aux côtés des autres militants, pour ne citer que Si Djelloul Melaïka, Si Ahmed Houari, Ghetas Abdelkader et Belaouane Ahmed. En 1957, les deux fils de cheikh Yakoubi El Oujdi, en l'occurrence Ahmed et Abdelouahab, rejoignent les rangs de la Zone 8 de la Wilaya V de l'ALN et tombent en martyrs au champ d'honneur. Après l'indépendance de l'Algérie, il dirige la mosquée de Koléa durant plusieurs années. En sa qualité d'inspecteur des affaires religieuses, il avait été affecté ensuite à la Grande Mosquée d'Alger et celle de Ketchaoua. Cheikh Yakoubi El Oujdi faisait partie de la commission de la fetwa et aussi membre de la commission de correction des ouvrages coraniques édités. En 1989, il retourne à Koléa pour exercer en sa qualité d'imam de la mosquée Sidi Ali Embarek, qui à l'occasion a été ouverte à nouveau après avoir été fermée en 1930. Le cheikh avait pris sa retraite quelque temps plus tard pour vivre dans l'anonymat à Koléa, wilaya de Tipaza. Lors de cette modeste cérémonie organisée à son domicile, dans l'une de ses chambres transformée en une bibliothèque qui abrite un océan de livres, cheikh Yakoubi El Oujdi s'est montré très modeste, lucide et serein durant cette rencontre conviviale caractérisée par cette ambiance typiquement algérienne. Néanmoins, sa lente démarche, ses gestes et ses interventions sporadiques illustrent non seulement une sagesse qui ne laisse personne indifférent, mais démontre le haut degré de son civisme, de son savoir-vivre et de sa quête du savoir des sciences, des langues et des cultures. Il a mis en garde les responsables présents en les exhortant à transmettre les richesses culturelles aux jeunes générations et à garder les multiples traces du passé, tout en mettant l'accent sur la recherche dans le volet culturel et scientifique. Il a également insisté auprès du président du HCI sur l'édition des publications pour élever le niveau et bien cultiver les jeunes Algériens afin de leur permettre de mieux affronter les difficultés et de les aider à faire face aux défis futurs, grâce aux sciences et aux recherches. L'autorité de la wilaya de Tipaza compte préserver les œuvres de ce savant, qui non seulement s'est contenté de lire les centaines d'ouvrages qui achalandent sa bibliothèque, mais a consacré sa vie à les étudier. Cheikh Yakoubi El Oujdi a combattu l'intégrisme islamique aveugle et sauvage et toujours milité pour l'unité des peuples du Maghreb arabe. « Il faut apprendre à nos enfants les langues du monde entier, dit-il, la langue enrichit la personne et lui facilite le travail dans ses études et recherches. » Cheikh Yakoubi El Oujdi, qui dans ses interventions intelligentes et perspicaces, n'a pas manqué de rappeler quelques souvenirs durant son riche parcours, comme celui du travail de ces agents chargés de l'espionner dans la mosquée avant et après l'indépendance. « Je les apercevais et je donnais des conférences en leur faisant croire que je ne les voyais pas au milieu de l'assistance, dit-il, ils étaient en mission pour noter ce que je disais aux fidèles » conclut-il. Cheikh Yakoubi El Oujdi est demeuré fidèle à ses engagements envers son pays, l'Algérie, et à ses principes depuis son jeune âge, comme il l'a été avec sa femme depuis son mariage en 1934. « C'est elle qui s'est sacrifiée pour moi, nous dit-il, elle m'a supporté durant toutes ces dizaines d'années, ces moments que j'avais consacrés à mes études, mes recherches et mon modeste militantisme pour la cause nationale », déclare-t-il, une manière de lui rendre hommage. Un exemple à méditer.