Aux salaire et fonction mirobolants des hommes, répond l'indigence sur ces deux tableaux des femmes. Le code de la famille a été récemment remanié. Beaucoup de femmes, y compris celles au foyer, l'ont commenté. Elles ont estimé que presque rien n'a changé en ce sens que ce remaniement maintient toujours la femme sous tutelle au même titre que les mineurs. Cette impression fait l'unanimité particulièrement du côté de celles ayant un bagage universitaire ou une longue pratique du terrain dans une fonction ou une autre. Universitaire d'une rare intelligence, auteur d'une dizaine de travaux de recherche qui lui ont valu d'être citée à l'honneur dans les plus grandes universités du monde y compris aux Etats-Unis, Mme Nadira G. estime : « Dans les plus grandes universités telles celles de Las Vegas, Athènes, Lisbonne où je suis intervenue, mes travaux de recherche ont été appréciés à leur juste valeur. Ils ont été publiés et cités lors de rencontres internationales dans différents autres pays. Chez nous, on ne les a même pas lus. On a également refusé de les publier. Je suis une femme et en tant que telle, mes travaux ne sont pas à considérer. » Ces dernières années, cette tendance à la soumission de la femme à l'ordre établi par l'homme ne fait plus l'unanimité. Pour bon nombre de cadres féminins de la Fonction publique et du secteur économique privé, l'on rejette de plus en plus la politique de la femme alibi pour lui permettre d'occuper un quelconque poste de responsabilité. Malgré son bagage universitaire et ses compétences parfois largement supérieurs à ceux de ses collègues masculins, la femme algérienne est toujours classée dans le bas de gamme des compétences nationales. En 2005, les femmes algériennes ne se limitent plus à gloser sur leur situation. Elles pointent du doigt les disparités, parfois énormes, qui existent pour un même poste de travail selon qu'il soit occupé par un homme ou une femme. A travers des arguments concrets, elles montrent que le revenu n'est pas, loin s'en faut, proportionnel ni à l'utilité sociale de la fonction exercée ni aux contraintes que celle-ci impose. Dans la pratique, à de rares exceptions, les cadres supérieurs femmes sont une denrée rare à tous les niveaux de gestion du pays. Bien que passionnées par la mission qui leur est impartie dans le cadre de la fonction occupée, la plupart s'accommodent de revenus ridiculement bas. Différentes fonctions continuent d'attirer de brillants cerveaux de femmes qu'un salaire 2 fois plus bas que celui de leur confrère homme réjouirait presque. « En Algérie, une femme peut changer d'univers professionnel pour améliorer sa situation salariale, mais elle ne pourra pas changer de démarche dans l'exercice de ses fonctions. En présence des hommes, le talent et le sens de la créativité autant que la valeur et les compétences professionnelles même clairement affichés des femmes ne pèseront jamais sur la balance », reconnaît Mounira H. magistrate avec plus de 20 années de pratique derrière elle. Que ce soit dans le milieu social, économique, politique, culturel et sportif, la discrimination est très apparente entre les deux sexes. Hier terme tabou, cette discrimination est de plus en plus dénoncée. Elle l'est davantage dans le secteur de la Fonction publique. Il en est ainsi dans le corps médical. Les revenus mensuels des médecins femmes passent mal l'épreuve de la calculette. Quelle que soit sa compétence, le médecin femme est toujours au bas des tableaux des salaires. « La masse salariale du ministère de la Santé montre une constante progression des salaires des effectifs masculins. Celle des femmes, à de rares exceptions, est resté figée. Cette situation n'est pas spécifique à notre secteur. Toutes les femmes en sont victimes », souligne Malika M., praticien spécialiste en médecine interne au Centre hospitalier universitaire de Annaba. Rares sont les femmes qui occupent un poste de responsabilité au niveau de l'exécutif local de leur région d'origine. Elles sont également rares dans les institutions gouvernementales et législatives. Il reste que dans le secteur privé, leur nombre ne cesse de croître tout autant que celui des associations de femmes. « Il y a un côté mortifère lorsque vous êtes désigné à un poste de responsabilité. La femme est constamment sous les feux de la critique subjective. Elle n'a pas droit à l'erreur. Cette tendance à la femme alibi, c'est-à-dire parce qu'on a voulu qu'elle soit là, doit être éradiquée. Il est indispensable de laisser s'imposer par ses compétences », a argumenté Mme Nadira G. Avec son franc-parler à l'université Badji Mokhtar où elle active, cette femme détonne. Elle représente un splendide portrait de femme algérienne qui, tête pensante, capte, enregistre, analyse des vérités cachées sans pour autant les juger ou les dénoncer. « Quand on est dans un contexte professionnel, il est indispensable de mettre de côté l'argument de la solidarité féminine. Comme il est impératif qu'elle ne doit plus se complaire dans le rôle d'un éternel second dans un système de gestion du pays qui favorise beaucoup plus le négoce et la filouterie. »