C'est un euphémisme que de dire que la localité d'Iflissène, relevant de l'ancienne commune mixte de Mizrana et qui compte près de 40 villages, est déshéritée. Ici, ni agriculture ni élevage. Les seules rentes sont les pensions d'anciens émigrés ou de moudjahid, le reste est inscrit au chômage non rémunéré. Iflissene, situé entre Tigzirt et Azeffoune, est à vocation touristique. « Naturellement, la commune possède quatre plages : Zegzou, Sidi Khaled, Feraoune et Bechar. Seule la plage de Feraoune, longue d'un peu plus de 100 m et à cheval entre Tigzirt et Iflissene a été autorisée à la baignade cette année. » La pêche est la ressource naturelle de ce territoire. La réalisation d'une plage d'échouage est prévue à Zegzou. « L'étude est faite et approuvée, mais les quinze petits métiers attendent désespérément la réalisation de cette plage. L'installation et l'équipement du matériel nécessaire pour l'activité de pêche sur cette plage ont coûté plus de 2 millions de dinars à la commune qui a financé cette opération sur PCD. » Cette accablante réalité rejoint une histoire non moins affligeante : le village Agouni Ouzidhoudh se souvient de cette semaine d'octobre 1956, où les représailles, après l'opération Oiseau bleu, ont fait plus de cent victimes, des civils essentiellement. Les flancs montagneux, faisant face à la mer, connurent leur « tapis de bombes » que les navires français leur lançaient depuis la côte en écho aux bombardiers survolant la région. Quatre ans après ce massacre, l'opération Jumelle finit de dévaster ce que six ans de guerre ont laissé : des centaines de civiles massacrés par les parachutistes et autres légionnaires. « J'avais douze ans et je me souviens de l'horreur et de la mort. J'ai enterré mon père, mon grand-père, mon oncle et mon frère, au lendemain de l'opération. » « Du 6 au 14 mai, le sang d'Iflissène a coulé. La sauvagerie des paras, tirailleurs et légionnaires était telle que les villages d'Ighil Bousselène, Thaourirth et Izekkane ont été évacués par leurs habitants qui ont fui vers les camps occupés par des jeunes appelés de l'armée française. » « Entre le 15 et 16 mai, nous avons perdu 10 martyrs. » Le souvenir est encore vivace chez Mohand M., qui se rappelle : « Des maisons brûlées, du bétail décimé ». « Au lendemain du cessez-le-feu, les autorités m'ont délivré un récépissé de demande d'indemnisation. Il portait sur la somme de 10 300 francs. A ce jour je n'ai rien perçu ». « Ce n'est qu'en 1997 que j'ai reconstruit le domicile familial avec un prêt de la BDL. »