Initiée par l'Entreprise nationale des arts graphiques (ENAG), la librairie Media Book a accueilli, hier, une table ronde sur l'enfant et la lecture. Cette rencontre, à laquelle ont assisté des enseignants et des cadres de l'éducation, avait pour objet de tenter d'apporter quelques réponses à la crise de lecture actuelle, qui concerne aussi les enfants. Selon une représentante de l'ENAG, on ne cesse de parler de la crise du livre, mais on oublie la crise du lectorat. Et comment en venir à bout, si ce n'est en constituant un lectorat potentiel : « les enfants qui sont marginalisés dans ce débat ». Quatre communicants ont été invités à prendre la parole. Pour M. Tessa, pédagogue, « on est tous d'accord pour dire qu'il y a un déficit » au niveau des lecteurs, notamment les enfants, mais il faut commencer par cerner la problématique. Selon lui, l'école, la famille et l'Etat sont fautifs à égalité. D'abord, il faudrait « réfléchir à une pédagogie de l'éveil au préscolaire parce que l'enfant reçoit un véritable choc lors de son passage de la langue maternelle au code écrit », sans quoi il ne pourrait pas atteindre le « monde magique de la lecture ». Ceci pour l'école. S'agissant de la famille, il est clair que « l'enfant, dès sa naissance, doit trouver un environnement stimulant, s'habituer à voir ses parents lire ». Quant à l'Etat, le pédagogue est on ne peut plus direct, « le livre a besoin d'être soutenu à fonds perdus ». M. Tessa estime que l'une des solutions réside dans la création de bibliothèques décentralisées. Solution dictée par son expérience : dans une classe de 35 lycéens, il a distribué 35 livres en arabe et en français. Les élèves avaient une semaine pour finir leur lecture et donner une note de lecture. Puis on procédait à des échanges. Résultat : ils ont lu une vingtaine de livres en une année. Evidemment, un tel procédé ne peut que fonctionner, mais faut-il que les enseignants aient du temps pour l'accomplir et surtout de la passion. M. Sadouni, inspecteur de l'éducation dans l'enseignement primaire et membre de la commission de réforme des programmes scolaires, commence son intervention par un aspect technique : les méthodes d'enseignement, la pédagogie... Il finit par affirmer que « le chantier de l'éducation est énorme et que nous sommes très en retard ». Pour lui, l'école ne joue pas son rôle, et ceci, pour une raison très simple : les meilleures compétences ne sont pas là où elles devraient être, au primaire. Zoom sur la réalité du terrain avec deux expériences. La première est celle de Mme Medjoubi, bibliothécaire au niveau de l'espace enfant Kan ya makan du palais de la culture Moufdi Zakaria. Cet espace est une bibliothèque pilote qui a vu le jour en 1997 et qui est resté, depuis, au stade de l'expérimentation. Pourtant, le résultat est plus que satisfaisant. En plus de permettre aux jeunes, de 5 à 17 ans, d'avoir accès à la lecture, de nombreuses sorties pédagogiques sont organisées, ainsi que des ateliers d'écriture et des projections. La seconde est celle de Mme Metni, auteur, spécialiste en psychopédagogie et récemment éditrice de livres pour enfants. Selon elle, « le livre pour enfant doit être à la disposition de tous et de bonne qualité, tant au niveau de la forme que du contenu ». Mais elle précise que seuls « les moyens permettent de faire un meilleur travail ». Le ministère de la Culture, représenté par Mme Djessas, ne nie pas l'évidence. « Nous avons rompu le contact avec le livre » et « sans lecture, il n'y a pas de culture », soutient Mme Djessas. Mais elle affirme que le ministère de Culture est disposé à mettre le paquet pour « développer l'édition pour la jeunesse, pour qu'il y ait une bonne production », à commencer par la création de collections.