Chteibo, immense bourgade qui annonce Oran à partir du ciel, fait penser à n'importe quel bidonville d'une cité tiers-mondiste. Et pourtant, cette agglomération qui ne cesse de s'étaler, n'existait presque pas avant le début des années 1980. Car, auparavant, Chteibo était surtout connue pour son marché de la pièce détachée et de la brocanterie. Oran, fin des années 1970, exsangue et acnéique, incapable de contenir ses excroissances, déversait sur cette périphérie et sur bien d'autres tout ceux qu'elle ne pouvait pas loger. Milieu des années 1980, alors que la crise du logement est à son pic, on venait de nuit à Chteibo pour tracer son emplacement et, le lendemain, construire à la va-vite son gîte. Parfois, quand on pouvait, on s'achetait des terrains à 5 000 dinars les 200 m2. Ne pouvant ni freiner cette ruée ni offrir un toit, les autorités laissaient faire. Chteibo compte aujourd'hui 100 000 âmes. Des infrastructures en tous genres ont été érigées : mairie, écoles, CEM, casernement de la garde communale, centre de soins, bureau de poste, terrain de sport combiné et même des kasmas et autres sièges de ce genre. Chteibo, important vivier électoral rattaché à la commune de Sidi Chahmi, compte 7 îlots d'habitations qui n'ont ni dénomination propre ni adresse officielle. Le facteur se perd dans ce labyrinthe où toutes les ruelles se ressemblent. Le magasin d'alimentation générale fait souvent office de bureau de poste. Les habitants de 5 îlots d'habitations, sur les 7, n'ont aucun document officiel justifiant leur propriété. A ce propos, M. Saadi, le président de l'association du quartier Es Saada, fera remarquer que, sans les documents officiels, aucun propriétaire ne peut vendre son bien, et les problèmes d'héritage commencent à surgir. Et d'ajouter que même les grands travaux d'aménagement -assainissement, AEP et voirie- exigent un plan de masse global qui délimiterait la propriété cadastrale de tous les lots de terrains. L'agence foncière d'Es Sénia qui a commencé à s'occuper de ce problème, a été dissoute et le problème reste toujours posé, précise-t-il. Les mille fosses septiques, le terrain marécageux et l'absence d'un réseau AEP ou d'assainissement rendent tout extension immobilière incertaine. Il n'y a guère de bâtisses qui dépassent le 1er étage. Le zinc et la taule sont rois. A Chteibo, on se débrouille comme on peut ! C'est le royaume aussi du branchement illicite. Les fils électriques fusent de partout. Les magasins regorgent de sacs de semoule et de farine et de bouteilles de gaz. Le strict nécessaire pour une population en quête d'une vie décente. Les tracteurs à citerne d'eau se disputent la voie aux nombreux camions, charretiers et cars de transport public. Car Chteibo c'est aussi une immense zone industrielle. De nombreuses manufactures employant une très importante main d'œuvre y activent. « Voyez-vous, toutes ces usines ont un registre de commerce immatriculé dans d'autres wilayas. C'est pour cela que la commune ne profite guère de la fiscalité. Nos routes sont défoncées, notre environnement pollué et nous ne recevons rien en contrepartie », dira un élu local.