« Nous sommes venus écouter les Algériens et les divers points de vue », a indiqué, hier au téléphone, Eric Goldstein, chef de la mission d'information de l'ONG Human Rights Watch (HRW), en visite à Alger depuis lundi 13 juin. L'ONG, de retour après deux ans et demi d'absence, concentrera son travail sur les questions de l'amnistie générale et du fonctionnement de la justice. La délégation a rencontré des représentants de SOS Disparus, de Somoud, des associations de victimes du terrorisme, de l'Association nationale des familles de disparus, de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme de Ali Yahia Abdenour, le président de la Commission nationale des droits de l'homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, ainsi que des avocats. La mission de HRW, qui intervient après celle d'Amnesty International en mai dernier, devra compléter son programme par la visite de villes de l'intérieur du pays. L'ONG a demandé à rencontrer un responsable de la présidence de la République « habilité à parler de l'amnistie générale » et des responsables du ministère de la Justice. La réponse reste toujours attendue. « Nous sommes disposés à rencontrer tous les interlocuteurs que proposerait le gouvernement », a dit Eric Goldstein. Le projet de l'amnistie générale lancée par le chef de l'Etat retient l'attention de l'ONG. « Il y a toute une mobilisation en Algérie en faveur de l'amnistie générale, même si le contenu n'est pas encore divulgué », a-t-il souligné. En avril 2005, HRW a consigné, avec d'autres ONG, dont Amnesty International, une déclaration autour du projet d'amnistie générale du Président Abdelaziz Bouteflika en rappelant que « les principes fondamentaux de vérité, de justice et de réparations ne peuvent faire l'objet de compromis ». Selon ces organisations, la voie référendaire, annoncée par le Président Bouteflika, ne saurait permettre au gouvernement algérien de « se soustraire à ses obligations internationales en adoptant à l'échelon national des lois contraires à ces obligations, que ces lois résultent d'un vote au Parlement ou d'un référendum. Le respect et la protection des droits fondamentaux des personnes ne peuvent faire l'objet d'un vote à la majorité ». Les appréhensions de ces ONG sont motivées par le cumul d'absence d'enquêtes judiciaires sur les violations contre les droits humains imputées aux groupes armés ou aux services de sécurité durant plus de dix ans ainsi que l'expérience de la loi sur la concorde civile de 1999 et le décret présidentiel portant « grâce amnistiante » de janvier 2000. Les ONG signalent que, dans le cadre de la concorde civile, « aucune enquête judiciaire n'a été menée dans la plupart des cas et des milliers de membres de groupes armés ont été de facto exemptés de toutes poursuites ». Le décret présidentiel de 2000 couvrant d'amnistie les membres de l'AIS (bras armé de l'ex-FIS, autodissoute en 1997) a été appliqué « sans qu'ait été prise en compte leur éventuelle participation à des atteintes graves aux droits humains ». Les ONG ont réitéré leur opposition « aux amnisties, aux grâces (...) ayant pour effet d'empêcher que n'éclate la vérité, d'empêcher que soit rendu un verdict d'innocence ou de culpabilité et d'empêcher que ne soient versées des réparations aux victimes et aux familles. ». « Nous connaissons les expériences d'amnistie dans des pays ayant subi des conflits internes. Les principes internationaux de ces mesures restent pertinents pour l'Algérie », a indiqué Eric Goldstein. Mardi 14 juin dernier, la Cour suprême d'Argentine a abrogé les lois d'amnistie de 1986 (dite Point final) et de 1987 (Devoir d'obéissance), votées sous la pression des militaires coupables d'atteintes aux droits de l'homme sous la dictature (1976-1983). Cette décision, qui va permettre la réouverture de dizaines de procédures, « redonne confiance et foi en la justice », selon le président Nestor Kirchner, pour qui « c'est la fin de l'impunité en Argentine ». A signaler enfin que la mission de HRW tiendra une conférence de presse, mercredi 25 juin à Alger, pour faire un premier bilan de sa visite. Communiqué du Comité Benchicou A l'instant même où nous commémorions une année d'emprisonnement de Mohamed Benchicou, directeur du Matin, une nouvelle épreuve est venue justifier notre combat pour une presse libre et nous rappeler au devoir de vigilance. En effet, d'autres sanctions sont venues s'ajouter au harcèlement de la presse à travers les récentes peines d'emprisonnement ferme et les lourdes amendes prononcées à l'encontre du caricaturiste du quotidien Liberté ainsi que du directeur du Soir d'Algérie et un de ses journalistes. Le Comité Benchicou pour les Libertés s'élève avec la plus grande fermeté contre ces sanctions iniques et renouvelle son appel à la dépénalisation des délits de presse. Le Comité Benchicou pour les Libertés considère que ces nouvelles attaques contre la presse sont préjudiciables à l'image de l'Algérie et entament irrémédiablement le crédit de ses gouvernants auprès d'une opinion publique internationale sensible et sensibilisée à la question de la liberté d'expression et la liberté de la presse. Le Comité Benchicou pour les Libertés Alger le 15 juin 2005