En voyageant dans le désert, Albert Camus trouvait qu'une abstraction l'emporte sur tout autre état d'esprit. Et c'est dans l'abstrait camusien que le trajet reliant aujourd'hui Ouargla à Illizi s'avère inévitablement absurde. La route entre les deux villes fait un angle d'environ 90 degrés en passant par In Amenas, clairement dessiné sur la carte géographique. Cela mènerait les voyageurs, entre autres, à faire obligatoirement un détour aussi coûteux qu'épuisant. Cet itinéraire était jadis appelé par les Touareg « Debousse laâma » qui signifie canne d'aveugle, pour ainsi dire que c'est la voie la plus facile à suivre. Les Français ont fini par bâtir la route sur les pas des caravanes de Chaânba Métlili, avançant prudemment depuis 1929 dans le Sahara, en érigeant les forts : Flatters à Bordj Omar Idris, Polignac à Illizi et Gardel à Bordj El Houas... mais le goudron prend fin à In Amenas où le gaz naturel jaillit. Et c'est justement là que l'activité reliée à la recherche de carburant s'arrêta en cette époque. Il est donc question de chaussée prévue uniquement pour une fin industrielle, non pas nationale. Lors de la dernière visite effectuée en 2002 par le ministre des Travaux publics, Abdelmalek Sellal, à Bordj Omar Idris, les citoyens se sont plaints de leur isolement. Ils protestaient en sa présence contre le fait d'être complètement ignorés par l'administration, et lui rappelèrent que leur commune représente le carrefour liant depuis la nuit des temps les trois polarités du Sud-Est, à savoir Djanet, Tamanrasset et Ouargla par la route d'Amgid, un petit village situé plus au sud. L'élite de la société affirmait que l'Etat ne prend point en compte leur situation, justifiant la nécessité de poser le bitume dans la piste de Tamanrasset distante de 650 km, de ce qu'elle permettra d'établir le lien entre les deux wilayas. Et conséquemment joindre la Libye au Niger et au Mali. De là, un fructueux commerce pourrait apparaître dans toute la région. Ils ont plaidé leur cause, en invoquant la piste de Djanet longue de 500 km, à vol d'oiseau, et qui fut longtemps prise par les caravanes de camions, avant la réalisation en 1999 du tronçon Illizi-Djanet, étendu sur 412 km, et repoussant cette ville de plus d'un millier de bornes. Quant à Illizi, qui n'est en réalité distante que de 300 km, par le raccourci d'El Abed Larache, il faut parcourir plus de 750 km pour l'atteindre. Si la réalisation de la fraction de route sollicitée voit le jour, la distance entre Ouargla et Illizi, qui est de 1050 km maintenant, serait carrément réduite à 600 km. Les voyageurs en autobus ne seraient plus contraints durant l'épreuve de dormir la nuit pliés sur leur siège.