Divisant l'îlot de Souika en deux parties aux destins diamétralement opposés, la rue Mellah Slimane (ex-Perrégaux), classée parmi les plus longues artères de la vieille médina, a longtemps gardé sa vocation de passage marchand et vivant malgré les vicissitudes du temps et l'ingratitude des hommes. Depuis le mythique Bab El Djabia, dont il ne reste que le nom, devenu un grand rassemblement pour les jeunes désœuvrés qui s'amassent en se disputant des places lucratives sous un soleil de plomb, jusqu'à la rue Sidi Nemdil donnant sur la place d'El Batha, c'est un véritable fleuve qui charrie à longueur de journée des foules déboussolées à la recherche de marchandises bon marché sur un pavé ruiné et boueux. Les minuscules échoppes s'ouvrent comme des cavernes d'Ali Baba où les étalages se prolongent au détriment des ruelles trop exiguës. Même si la dégradation des lieux ne laissera que des décombres, le business semble avoir de beaux jours devant lui. Les maisons à l'architecture antique et qui ont tenu durant des siècles ne résisteront pas aux coups ravageurs et impitoyables des masses. Ici, les plaies de la dernière opération de démolition menée par les autorités de la wilaya tarderont à se cicatriser. Le mal est trop profond parmi la population. Alors que les Constantinois s'attendaient à une réhabilitation annoncée du site, ils découvriront une autre réalité amère. A la rue Benzegouta (ex-Morland), les quelques bâtisses encore existantes semblent avoir survécu par la grâce divine aux vagues de démolition de 2004 et de février 2005. La mosquée Sidi Afane, vue à partir du pont Sidi Rached, entretenue grâce aux efforts des habitants du quartier semble être épargnée par le séisme. Les riverains qui crient leur ras-le-bol ne cessent de dénoncer leur mise à l'écart lors des opérations de relogement. Selon eux, ce sont des étrangers qui en bénéficient alors que les enfants de Souika vivent une véritable marginalisation. Si l'anarchie - que le pays a connu durant une période de turbulences - a profité à une catégorie de citoyens connue plus tard par les squatters, rien ne justifie la démolition de maisons d'une importante valeur historique et architecturale, comme ce fut le cas de la fameuse Dar El Meharsi dans la rue des cousins Kerouaz plus connue par Zenkat Lamamra, une des artères qui communiquent avec la rue Mellah. Non loin de là, au sabat El Bouchaibi, dans la rue des Abeilles, des maisons menaçant ruine sont un réel danger aussi bien pour les locataires que pour les passants. En arrivant à hauteur de la mosquée de Sidi Abdelmoumène, on découvre un site agressé par les gargotes et les pizzerias alors que la zaouia de Sidi M'hamed Ennedjar située au n° 52 est enfouie dans l'anonymat. Malgré un état des lieux des plus déplorables, des touristes étrangers devenus de plus en plus nombreux ces dernières années passent inévitablement par la rue Mellah Slimane pour admirer ce qui reste encore d'une mémoire ternie. Cependant, le fait marquant qui a toujours fait l'originalité de cette artère est qu'elle a été de tout temps un paradis pour les commerçants occasionnels, adeptes des reconversions de circonstance pour un gain rapide et assuré. Durant le Ramadhan, l' Achoura, Mouharem, El Mawlid ou encore l'Aïd El Adha, les Constantinois ne vont pas loin pour trouver ce qu'ils cherchent. Pour les vieux nostalgiques de l'ancienne ville qui viennent se ressourcer dans les lieux, le vendredi est un moment de pèlerinage vers les artères de la médina où des vestiges disparaîtront un jour pour ne laisser que de vagues souvenirs.