Une enveloppe de 18 millions de centimes a été allouée à la commune d'Aït Chaffaâ en guise de subvention de péréquation pour l'année 2005. C'est le tiers de la masse salariale mensuelle des employés de la commune. Elle en a reçu 156 millions l'année passée. Elle ne recevra peut-être aucun centime l'année prochaine. Le temps des subventions est révolu. 5000 habitants, 10 km de littoral, à l'extrême est de la wilaya de Tizi Ouzou, entre Azeffoun et Beni Ksila, Aït Chaffaâ est au bas du tableau en matière de développement. Pourtant, sans elle, la Kabylie ne serait pas tout à fait la même. Tahar Djaout repose dans la localité, à Oulkhou, son village natal, et Igoujdal a été le premier village à chasser les terroristes en juillet 1994. Un double symbole de génie et de résistance. Avoir fait le coup de feu au moment où tout le monde avait peur et écrit les pages les plus flamboyantes de la littérature algérienne. Le nom du président d'APC, Ahmed Boutoura, claque comme une mitraillette. Il était en poste à l'enterrement de l'illustre écrivain puis pendant les années d'autodéfense. Il se souvient des journalistes qui ont crapahuté sur les lieux à cette période et a vu beaucoup d'eau couler sous les ponts. Aujourd'hui, c'est un homme à moitié vaincu. « Je suis fatigué », lâche-t-il, dans son bureau. Les coups de boutoir pleuvent. Les subventions s'échappent sous ses pieds et l'argent de l'autoconstruction lui a valu une vive protesta de villageois mécontents. Ceux-ci avaient carrément muré l'entrée de l'APC au mois dernier. La répartition des enveloppes de 50 millions de centimes a soulevé la poussière dans les hameaux où les comités de village avaient été débordés. La dernière mauvaise nouvelle est venue de l'administration centrale qui a annoncé reprendre au profit des Domaines la concession des plages pour la saison estivale. La conséquence est simple pour les communes côtières disposant d'une plage autorisée à la baignade : un trait de plume sur la seule rentrée d'argent de la collectivité. Pour achever de démoraliser les gestionnaires locaux, la nouvelle réglementation invite les communes à postuler à la concession auprès des domaines au même titre que les opérateurs privés, ou ceux qui se présentent comme tels. De la position de tiroir-caisse, la commune devient un soumissionnaire parmi d'autres, avec la particularité de n'avoir pas justement les moyens de soumissionner pour tirer profit de la plage située sur son propre territoire. L'APC s'effacera devant le jeune trabendiste qui dispose de liquidités suffisantes. Aït Chaffaâ gagnait bon an mal an, grâce à sa plage Petit Paradis, quelque 300 millions de centimes. Cela permettait de régler quelques mois de salaires et de faire jonction avec les subventions d'équilibre. Le volet fonctionnement est un casse-tête permanent. Quant au développement, il est en passe d'être supprimé. Pauvreté au pays des richesses. Pour l'année 2005, au titre du programme communal de développement (PCD), la commune a obtenu le financement de deux petits projets : une tranche d'assainissement de 1100 mètres, à Igoujdal, et la construction d'un réservoir d'eau au village Aït Ali Ouabdallah. 480 millions de centimes pour le premier et 71 millions pour le second. Une enveloppe totale d'un peu plus de 5,5 millions de dinars. La courbe des opérations PCD a littéralement plongé ces dernières années. 15 projets en 2003, 4 en 2004 et 2 en 2005. La commune va dans le mur tandis que l'Etat proclame être de plus en plus riche. Pour faire fonctionner les unités de santé, l'administration de wilaya a du mal à affecter le personnel nécessaire. Faute d'agents du paramédical, trois unités de soins ont été réalisées (Koudia, Ighil M'hand, Igoujdal) mais ne sont pas opérationnelles. L'unique centre de santé de la commune est au stade de chantier et rencontrera probablement le même problème d'encadrement humain lorsqu'il s'agira de le mettre en service. La commune attendra également avant de disposer d'un centre de formation professionnelle. Le chantier vient de démarrer. Il arrive que des programmes sectoriels touchent Aït Chaffaâ. Un projet d'AEP est inscrit dans ce cadre, reste celui de l'assainissement qui reste posé pour la moitié de la population. La région est dépourvue de toute unité économique et elle est abandonnée au maquis qui la cerne face à la mer. L'emploi dépend de la solidarité et des programmes de soutien aux jeunes. L'Etat a affecté 70 postes IAIG, payés 3000 DA par mois, et 30 postes Esil (emploi solidarité) à 2600 DA par mois. Les premiers ont été pourvus et les seconds sont fuis par les jeunes. Cinq postes « préemploi » ont été attribués à des universitaires venus rejoindre le personnel de l'APC. L'emploi local est temporaire, tient-on à signaler. La bouée de sauvetage pour cette commune côtière sera l'aménagement de la zone d'expansion touristique de Sidi Khelifa. Nous allons pouvoir revivre lorsque la zone touristique sera lancée », espèrent les citoyens d'Aït Chaffaâ. La localité est en vérité un concentré de richesses naturelles. La montagne culmine à 800 m et une côte longue de dix kilomètres présentant « la meilleure profondeur de sable » de tout le littoral de la wilaya, selon les termes des responsables du secteur. Le site de Sidi Khelifa a été repéré depuis longtemps, classé zone d'expansion touristique (ZET) et les plans d'aménagement, élaborés par un bureau d'études étranger (voir encadré), viennent d'être approuvés. Le projet est ambitieux, puisque des centaines de postes d'emploi sont prévus, mais il faudra attendre quelques années, si tout se passe bien, avant que la dynamique économique ne soit effectivement lancée.