Au pied du Palais du gouvernement à Alger, la salle de spectacle Ibn Khaldoun a accueilli, jeudi dernier, un meeting du Parti des travailleurs (PT, représenté à l'APN), à l'occasion du 43e anniversaire de l'Indépendance. « Décréter la paix immédiatement », « Respect des droits des travailleurs », « Retrait immédiat du projet de privatisation des hydrocarbures », « Pour la reconquête des nationalisations » : des banderoles annoncent la couleur. Dans le hall de la salle, des militants vendent le journal du PT, Fraternité. D'autres appellent les présents à signer la pétition du « Serment du 24 février », texte hostile à la loi sur les hydrocarbures. Des jeunes. Ces quatre-là viennent de Bouira (130 km à l'est d'Alger). « On s'intéresse à la politique. Par principe, on continuera à militer, même plus tard, mariés et pères de famille. C'est important », disent-ils. Discussion dans le hall avec Mustapha Benmohamed, doyen du PT, qui a débuté sa vie militante au sein du PPA, à 19 ans, au lendemain des massacres du 8 mai 1945. Est évoquée l'interdiction des cybercafés après minuit édictée par le gouvernement qui siège à quelques remparts de là. Lui, il s'inquiète de l'âge des terroristes qui demeurent jeunes. Cela veut-il dire que la matrice de la crise d'il y a quinze ans reste d'actualité ? Le PT a fêté fin juin 2005 ses 15 ans d'existence. A la tribune, Louisa Hanoune, porte-parole du parti, rappelle l'opposition du PT à « l'exclusion politique ». « Nous sommes fiers d'avoir participé à la réunion de Rome (rencontre organisée par Sant Egidio en 1995 regroupant l'opposition algérienne et un représentant du FIS dissous, condamnée par Alger). Aujourd'hui, les grands responsables de l'Etat déclarent qu'ils sont pour la réconciliation », lance-t-elle. « Il faut une réconciliation incluant toutes les parties (...) Islamistes, nationalistes et les autres. Bienvenue à tous ceux qui peuvent contribuer à faire cesser l'écoulement du sang », ajoute Louisa Hanoune. « Qui a profité de la guerre ? Le peuple ? Les militaires qui sont les enfants du peuples ? Retour au code de l'indigénat L'Etat qui a failli tomber ? Non. C'est la minorité qui a détourné le foncier, qui fait dans les containers et le bazar ! La majorité est sortie perdante », constate-t-elle. « Oui à la réconciliation, mais avec qui, avec des fantômes ! Dites que vous nous avez pris nos enfants, dites-nous où sont-ils, morts ou vivants, et chacun est libre après de pardonner ou non », lance, pour sa part, Dalila Koudiri, mère d'un disparu, qui a ouvert le meeting. « Dites kidnappé et non disparu », précise-t-elle d'une voix tremblante. Son fils Jalal, étudiant en économie à l'époque, aurait été emmené par des policiers et des hommes cagoulés le 13 juin 1996. Il avait 23 ans. Il a 32 ans, quelque part. Peut-être. Les recherches de la famille n'ont pas abouti depuis neuf ans. « Si on ferme le dossier aujourd'hui, il y aura d'autres disparitions dans dix ans, dans vingt ans », tempête la mère. Un représentant de l'Organisation nationale de la jeunesse pour la révolution, affiliée au PT, prend ensuite la parole pour dire, en arabe châtié, le malaise de la jeunesse. Le 5 juillet, fête de l'Indépendance. Fête de la jeunesse aussi. Des milieux associatifs revendiquent le 5 octobre comme date commémorative. Sans succès. « Nous refusons la privatisation de notre avenir », dit-il. Le suit à la tribune Abdelhamid Boubeghla, cadre du PT, pour rappeler en tamazight le combat des jeunes de Kabylie qui ont « toujours manifesté drapeau national à la main ». Louisa Hanoune ramasse les angoisses exprimées indiquant que « l'unité du pays, acquis de l'Indépendance, est menacée ». La politique de concession au privé du domaine public d'intervention et de propriété, qualifié par la porte-parole de « retour au code de l'indigénat », figure en haut du tableau des menaces. « Comment peut-on s'élever contre la glorification du colonialisme et promulguer des lois comme celles sur les hydrocarbures, sur l'eau ? Comment accepter l'accord d'association avec l'Union européenne ? (...) Comment accepter la présence de l'armée américains dans le sud algérien ? Après les hydrocarbures, ils veulent une présence militaire ! », martèle Louisa Hanoune. A ses yeux, la loi du 23 février 2005, votée par le Parlement français, est « abominable » et constitue une provocation. « Mais il ne faut pas faire d'amalgame entre des députés et le peuple français qui a refusé la guerre contre l'Irak et qui a dit non au traité constitutionnel européen », dit-elle. « L'unité de la nation algérienne » serait également menacée, selon elle, par le tribalisme, « ârouchiya », a-t-elle dit. « La crise en Kabylie demeure. Des centres à l'étranger jouent cette carte. Il y a de véritables problèmes en Kabylie, mais il ne faut pas que ces intérêts étrangers en fassent un fonds de commerce. Cela fait partie du projet du Grand-Moyen-Orient qui cible le démembrement des Etats sur des bases religieuses, ethniques ou tribales », prévient l'oratrice sous la banderole en rouge sur blanc « La nation algérienne doit vivre dans l'unité et l'intégrité de ses deux composantes linguistiques. » Les élections partielles en Kabylie survolent la salle, rendues imminentes après l'endossement mercredi par le Conseil du gouvernement de textes sur la dissolution des APC et APW concernées. Louisa Hanoune dit refuser un multipartisme « à la carte ». Sans préciser. « Nous avons combattu le colonialisme en arabe et en tamazight », répète-t-elle. L'unité. Credo de campagne ? En parallèle, le groupe parlementaire du PT s'est réuni jeudi. Il a regretté la non-programmation, sur sa demande en septembre 2004, à l'APN du projet de loi modifié et complété du texte 90-11 relatif aux relations de travail.