Tout a commencé à Alger dans les années 1980. Invités à un festival, les musiciens touareg découvrent la guitare électrique. C'est l'emballement, la magie. A la fin du festival, ils repartent avec la guitare et un ampli. La légende peut enfin naître. Tinariwen, au destin insaisissable, réinvente la musique venue du désert. Inutile de chercher à qualifier sa musique : elle est une mixture de rock, blues, électro et saharienne. Dans l'ordre et le désordre. Sans jamais cesser d'être authentique. On est loin, très loin de la world musique, aseptisée pour l'oreille occidentale. Les notes ne sont pas lisses, mais rugueuses et sèches, comme le désert. Des notes puisées dans le climat, la rébellion et l'errance des Kel Tamashek (ceux qui parlent tamashek, le berbère). Ils récusent l'appellation touareg, mot arabe signifiant abandonné de Dieu. Le groupe est né il y a plus de 25 ans l'Adrar des Ifoghas, au Mali. Les membres fondateurs se partageaient entre le maniement des armes et les répétitions. Ils démontaient les kalachnikovs et accordaient les guitares. Dans le Mali post-indépendance, il ne faisait pas bon d'être Touareg. Tous les régimes qui se sont succédé ont été féroces avec la minorité berbère. Quelques jeunes Touareg ont décidé de prendre les armes contre Bamako. Cette armée, Azawed, était entraînée en Libye. « Les plus anciens du groupe, Hassan, Ibrahim et moi sommes d'anciens combattants du mouvement touareg. Nous avons séjourné de longues années dans les camps d'entraînement de Kadhafi dans le Sud libyen avec des militants de l'ANC, de la Swapo et de l'OLP », se souvient Abdallah. Puis, il y a eu les accords de Tamanrasset. Les rebelles ont troqué leurs armes contre des guitares. Au grand bonheur de tous les mélomanes. La résistance continue, sans armes. Depuis la sortie de son album Amassakou (le voyageur), le groupe n'arrête pas de mettre les festivals en transe. Après avoir conquis la France, il subjugue l'Europe. Avec des guitares réglées sur le pas des chameaux.