Après la disparition de l'office public en charge de la transformation de l'olive de table, ce seront les anciens confiseurs privés qui prendront le relais. Mais alors qu'à Sig l'on traite, annuellement, plus de 75% de l'olive de table, cette importante activité de transformation ne s'accompagnera pas de l'appui institutionnel souhaité. Il y eut un premier bras de fer avec l'administration pour la suppression de la TSA qui prélevait 50% du chiffre d'affaire et qui n'interviendra qu'en 1996. Ensuite, la multiplication des unités de fabrication provoquera l'arrivée de spéculateurs qui n'hésiteront pas à transgresser la déontologie en matière de transformation. En effet, le recours à l'usage abusif d'oxydants, une pratique illégale et parfois dangereuse pour le consommateur, comme le sulfate ferreux qui provoque le noircissement artificiel et très rapide de l'olive, fera énormément de mal à la profession. Par ailleurs, les producteurs seront pris en tenailles par les nouveaux conserveurs qui n'hésiteront pas à se porter acquéreurs de récoltes virtuelles - certains de nos interlocuteurs parleront de contrats sur plusieurs années- qui auront pour conséquences immédiates de gonfler, inconsidérément, les prix et de perturber le cycle de production. En effet, certains n'hésiteront pas à anticiper les récoltes afin d'être, le plus tôt possible, sur le marché. Incitant les membres de l'association des oléiculteurs à demander l'interdiction de toute récolte avant le 15 octobre. Mais c'était sans compter sur l'ingéniosité des fossoyeurs qui n'hésiteront pas à aller chercher les olives au niveau de Saïda, Tlemcen, Maghnia ou Sidi Bel Abbès. Les conséquences seront désastreuses pour l'ensemble de la corporation. Les fruits n'étant pas matures, outre le fait que les rendements en seront gravement affectés, les olives iront alimenter les ateliers de noircissement artificiel, Produisant une olive faussement noire qui semble avoir la côte, non seulement, chez les ménagères locales mais également en Europe et au Etats-Unis. Un regain d'intérêt qui surprendra l'ensemble des pays producteurs, les incitant à orienter la production vers l'olive traitée par oxydation. Celle qui, découpée en anneaux, orne désormais toutes les pizzas de l'Amérique du Nord et d'ailleurs. Un marché juteux que ni les performances de la production américaine, ni celles de l'Espagne, de loin la plus importante du monde avec plus de 500 millions de tonnes, préoccupée à satisfaire la demande crée par l'élargissement de l'Europe, ne peuvent satisfaire. D'où un intérêt marqué de certains opérateurs canadiens et euro méditerranéens pour la production oléicole algérienne. En effet, outre les relations directes entre les opérateurs des deux rives, certains transformateurs influents sur la place de Sig, affirment avoir accueillis des opérateurs espagnols en quête d'une éventuelle importation. Mais également soucieux d'écouler du matériel de transformation afin de remplacer celui vétuste et peu performant qui continue d'équiper les usines ibériques. Mais encore une fois, la discrétion proverbiale des gens de Sig fera que nous n'en saurons pas plus. Toutefois, malgré les dénégations de nos interlocuteurs, des sources fiables nous diront, sous le sceau de l'anonymat, que des transactions commerciales seraient en négociations avancées, notamment, avec les Canadiens dont un représentant qui a visité la région, s'est vu rassuré de voir revenir sur les étals de Montréal, de Vancouver ou Yellowknife, l'inégalable Sigoise. Seul un opérateur d'envergure qui traite plus de 20% de la production nationale, ne cachera pas son intérêt pour le marché nord américain où il projette d'injecter 10.000 quintaux, soit à peine un peu plus de 1% de la production américaine d'olives noires. Ayant acquis un équipement ultra moderne pour 1 million d'euros, le gérant de l'entreprise ADS désespère des banques algériennes qui refusent de lui octroyer un crédit. Ayant déjà investit dans l'achat du terrain et entamé la construction d'un atelier de plus de 16.000 m2, notre interlocuteur, malgré une solvabilité patente et un savoir faire incontestable, bute sur une réticence qu'il assimilera, volontiers, à de la rancœur. « Mon seul rêve, dira-t-il, serait d'agrémenter les millions de pizzas que consomment, journellement, les américains avec quelques rondelles de Sigoise ». Un rêve tout à fait réaliste, d'autant que la technologie retenue utilise le gluconate de fer, un produit autorisé par la redoutable FDA américaine, pour accélérer le noircissement de l'olive. Encore un rêve américain dont, seul, les sigois ont le secret. Encore faudrait- il que les banques fassent l'appoint nécessaire.