Baldouino est orphelin de père et de mère. Seule tante Julie l'héberge et lui donne à manger. Mais Julie souffre d'un mal de tête terrible et étrange (les voisins disent que c'est la conséquence évidente de ces marmites chaudes pleines de fèves ou de pois chiches qu'elle n'a cessé de trimbaler de marché en marché pour gagner son pain quotidien !). Un jour, le mal explose. Tante Julie devient folle et va errer dans Bahia, sans se soucier du soleil ardent de l'été. Dès lors, Baldouino, qui a perdu tout espoir après de vaines tentatives du saint Jujuba, va sillonner la ville de Bahia aux rues labyrinthiques. Boxeur, docker, marin, Baldouino prendra petit à petit conscience de sa situation, de sa classe pour devenir finalement un militant des causes justes. Le rêve de Baldouino est plus vaste que les champs et le large de Bahia. Sa vision porte au-delà de l'embouchure du fleuve et la puissance de son éperon anéantira ce soldat si agressif et fera éclore en mille éclats phosphorescents l'amour de cette fille menacée par ce même soldat. Cette fille qui quitte le soldat, son fiancé de force, et préfère donner, par une chaude soirée d'été, sa virginité à Baldouino, fils noble de Bahia. Bahia, la ville aux ruelles assaillies par toutes ces puissances occultes et obscurcissantes, verra la prise de conscience de l'un de ses enfants les plus représentatifs : un orphelin vagabond, boxeur, personnifié par Baldouino. Bahia de tous les saints(1) est un hymne à la liberté, à la justice et au rêve des révoltés. L'auteur Jorge Amado, lui-même né à Bahia en 1921, n'est pas un romancier seulement. Militant des causes justes dès son jeune âge, il fait la prison, goûte à l'exil amer et ne cessera d'écrire, jusqu'à sa mort en 1998, sur les pauvres du Brésil. Dans ses romans, Bahia n'est qu'un symbole. Ville martyre, pauvre assiégée par des dizaines de puissances obscurantistes, elle est toujours là, défiant le temps par sa splendeur nue, sortant des saletés et découvrant un visage à la beauté éclatante. Bahia d'Amado ressemble-t-elle à Oran El Bahia, chantée par les poètes populaires. « Wahran El Bahia, lill oua n'har zahia » (Oran, ville à la beauté éclatante, jour et nuit, splendide et rayonnante). « Tout le mystère est sous les prunelles de Bahia, Toute l'histoire est dans les yeux de Bahia », chante le poète du Machrek repris par mille voix au Maghreb, pendant les soirées joyeuses des étés chauds. Bahia du Machrek, Bahia du Maghreb, Bahia du Brésil, Bahia de tous les saints est le symbole de tous les peuples opprimés, révoltés et combattant pour des jours meilleurs. Simple fait du hasard, homonyme ou nom universel, Bahia du Brésil, du Machrek, du Maghreb et d'ailleurs pourrait être aussi le symbole des échanges civilisationnels des temps anciens, mais Jorge Amado, cet écrivain génial, lui a donné en fait tout cela à la fois, d'où l'universalité de son œuvre. (1) - Outre Bahia de tous les saints, Jorge Amado est l'auteur d'une quarantaine de romans traduits dans le monde entier.