Le discours du président de la République a reçu un accueil mitigé par la rue oranaise. Hormis ceux qui se sont exprimés (même sous certaines réserves) en faveur de la réconciliation nationale, des voix discordantes s'élèvent çà et là. « D'abord, nous ne sommes pas dans un pays démocratique et, ensuite, je ne comprends pas pourquoi, d'un côté, l'Etat ne fait rien pour empêcher les honnêtes gens d'être expulsés de chez eux par certains nantis qui veulent tout accaparer et, de l'autre, on accorde des facilités à ceux qui ont tué », s'interroge un commerçant. « Je suis pour la réconciliation nationale car elle nous ramènera la paix et la stabilité et permettra à nos enfants de vivre dans de meilleures conditions », affirme de son côté le gérant d'un petit kiosque qui, tout en s'indignant des crimes terroristes, notamment le massacre de bébés, précisera que « le président de la République a bien dit que les auteurs de ce type de crimes ne seront pas concernés par son projet ». Pour lui, certains aspects de la tragédie vécue durant la décennie 1990 dépassent tout entendement humain et la religion musulmane reste étrangère à ces agissements abjects. Il voit donc dans ce projet une manière de tourner cette page douloureuse de l'histoire du pays. Dans les cafés, le discours présidentiel n'est pas le sujet principal. « Comment voulez-vous pardonner à quelqu'un qui a tué toute votre famille ? », lance un client anonyme d'un café situé en plein cœur de la ville et qui a été sollicité pour s'exprimer sur le sujet. « Moi je ne resterai pas passif et, le 29 septembre, du moment que le vote est un droit consacré, j'irai dire non ! » Pas loin de là, un cadre en retraite hésite à donner son avis. « Je me donne la soirée pour lire l'intégralité du discours avant de me faire ma propre idée », devait-il confier en considérant que le sujet est délicat. Une manière de dire aussi que le débat vient juste de s'ouvrir même si les animateurs politiques n'auront pas beaucoup de temps devant eux pour faire valoir leurs positions respectives. Votants potentiels, beaucoup de gens n'ont pas prêté attention au passage à l'ENTV du président de la République ni eu vent du projet par voie de presse. « Je ne savais pas que le président de la République avait fait un discours », avoue un jeune rencontré sur une place publique.