L'habitat précaire est omniprésent dans la capitale Les spéculateurs n'hésitent plus à transgresser la loi. On l'appelle l'Oued, sans autre indication que l'endroit, un étroit talweg, se trouve à Hydra, encastré entre la cité universitaire, l'autoroute, la caserne du DRS, les bâtisses du laboratoire d'études maritimes et les villas somptueuses en construction en face de la cité Malki. Pour les initiés, l'Oued est cet immense bidonville qui a pris forme dans ce lieu à la suite des événements de 1988 et qui s'est considérablement agrandi entre 1992-1999. Invisibles de la route, imperceptibles par les automobilistes, les 1000 baraques qui le composent abritent au bas mot des milliers de personnes, entre 5000 et 8000, selon les estimations d'un groupe d'habitants rencontrés sur les lieux. Des travailleurs du parc zoologique, tout proche de l'Oued, qui disent connaître « pas mal de gens d'ici », estiment entre 1000 et 1200 le nombre de familles qui y vivent. Ils nous précisent toutefois que personne n'est en mesure d'en donner le chiffre exact du fait que « beaucoup de nouvelles familles sont arrivées ces derniers temps ». Dans ce quartier sordide, les gens feignent de ne pas être curieux. Indus occupants eux-mêmes, ils ne peuvent s'opposer à l'installation des nouveaux venus, « d'autant qu'il existe une véritable filière spécialisée dans la vente et la revente des baraques ». Très bien informé du trafic qui s'y déroule, un habitant nous révèle qu'il faut payer certaines personnes pour être « autorisé » à construire sa masure. « Faites votre enquête, et vous saurez qui est derrière tout ça. » On parle de mafia du gourbi, mais aussi de réseaux d'intérêts occultes qui favorisent l'installation de certaines familles « pas honnêtes », dont les femmes s'adonnent au plus vieux métier du monde. Selon un ancien occupant des lieux, technicien de son état dans une institution publique de communication et ancien militaire, « il y avait au début moins d'une centaine de baraques, et les premiers occupants à avoir squatté l'endroit sont des gens d'Hydra, d'El Madania, de Bab El Oued et de Ben Aknoun, soit en majorité des Algérois qui ont préféré le gourbi à la promiscuité des F2 et F3 familiaux. D'autres, moins nombreux, sont originaires des villes de l'intérieur du pays ». Jusqu'à la moitié des années 1990, nous dit-on encore, la situation était bien prise en main : aucune nouvelle construction n'était admise, tous les gens étaient recensés aussi bien au niveau de la mairie que des services de sécurité, dont les locaux se trouvent juste à côté du bidonville, et tout mouvement suspect devait être signalé aux autorités, de peur que les lieux ne se transforment en gîte pour activistes islamistes. Ce n'est apparemment plus le cas aujourd'hui : depuis ces trois dernières années, la situation a changé, puisque le bidonville n'a cessé de grossir, attirant de plus en plus de monde, sous le regard impassible des autorités. On fait comme si ce mouvement de population était naturel, et l'on en est arrivé jusqu'à légaliser le bidonville en y installant et le réseau électrique et les branchements d'eau potable.