Le « projet de charte » proposé par le Président Bouteflika respecte-t-il les normes internationales en termes de vérité et de justice ? Nous avons des soucis quant à la compatibilité du projet de charte et les normes internationales en termes de vérité et de justice. Nous ne trouvons nulle part dans le texte une affirmation de l'obligation de vérité ni de justice. On propose, par exemple, d'aider les familles des disparus à transcender leur épreuve horrible, on propose de les indemniser, on propose de les considérer comme étant des victimes de la tragédie nationale. Démarches louables. Mais où est leur droit à savoir la vérité, toute la vérité, martelé tant de fois par Me Farouk Ksentini, président de la commission ad hoc présidentielle sur les disparus ? Les amnisties aboutissant à l'impunité pour les auteurs des graves atteintes aux droits humains, comme des « disparitions », des actes de torture et exécutions extrajudiciaires, bafouent les principes fondamentaux du droit international. Certaines autorités, telles que le secrétaire général des Nations unies, des organes des Nations unies ainsi que des organes régionaux faisant autorité et des tribunaux internationaux, ont établi qu'aucune amnistie ou mesure similaire ne devrait accorder l'impunité aux auteurs d'atteintes graves aux droits humains. Que pensez-vous de l'extinction de poursuites contre les individus concernés et délimités par la « charte » ? On constate que la proposition de supprimer des poursuites contre les repentis exclut certaines violations graves, dont les massacres collectifs, les viols et le dépôt d'explosifs dans les lieux publics. Le principe est bon, mais il y a d'autres crimes graves qui risquent de bénéficier de l'extinction de poursuites et qui, selon le droit international, ne le devraient pas. Si j'ai enlevé deux ou trois personnes de chez elles et que je les ai abattues dans le maquis après, laissant ainsi leurs proches dans cette douloureuse incertitude, je peux bénéficier de cette amnistie. C'est inadmissible selon les principes internationaux, car les actes que j'ai commis sont des crimes graves et non amnistiables. Sans justice et vérité, les victimes et leur famille, les générations futures, pourront-elles consolider la paix ? Ce qui est certain, c'est que ces questions de vérité et de justice, qui impliquent non seulement les victimes et leurs ayants droit, mais tout le peuple algérien, vont rebondir, comme c'était le cas en Amérique latine. Il est naturel de voir beaucoup de gens qui préfèrent dans le court terme tourner la page d'une période très pénible et rattraper le temps perdu. Mais les faits et les données qui ont alimenté la violence affreuse des années 1990 resteront toujours pertinents. Un travail de vérité, aujourd'hui ou plus tard, fait partie des facteurs qui contribueront à la consolidation de la paix. Il est regrettable qu'on ne le trouve pas dans le projet de charte.