Lounis, après une absence de cinq ans, tu reviens à Oran pour un gala unique au théâtre de verdure Hasni Chekroune. Qu'est-ce qui motive ce retour ? Ce gala s'inscrit dans le cadre d'une tournée nationale à l'initiative de la ministre de la Culture à laquelle je rends hommage. J'ai fait savoir à madame la ministre que si on veut organiser des concerts rentables, il faudrait les subventionner, car pour qu'un gala soit rentable, il aurait fallu des prix de place exorbitants, ce que je n'aurais jamais accepté et la tournée n'aurait pas eu lieu. Et pourquoi une date unique ? Un seul et unique gala alors que tu as un public et des milliers de fans à El Bahia ? Le principe d'un concert unique était de mon initiative, pour être honnête et sincère, je ne me vois pas aussi aimé et célèbre pour remplir le théâtre de Verdure. Si j'arrive à faire le plein, c'est tant mieux. Il faudrait mieux faire un seul et bon concert que de faire plusieurs galas et subir un échec. Cela a toujours été ma position : faire peu et bien. Tu es connu pour être quelqu'un qui s'est toujours astreint à rester en dehors des luttes et de la vie politiques, mais voilà qu'en 1999, ton apparition au meeting du candidat Bouteflika a été diversement interprété. D'aucuns sont même allés jusqu'à avancer que Lounis Aït Menguellet soutient le candidat Bouteflika. Un citoyen n'a pas à s'expliquer sur sa liberté d'action dans la société. Mais c'est terrible ! Nous avons combattu pour la liberté d'expression dans ce pays et on veut me priver de ma liberté. Un chanteur est avant tout un citoyen qui a le droit d'aller assister à un meeting sans qu'il soit taxé de quoi que ce soit. C'est terrifiant ! C'est du fascisme déguisé, je n'ai d'ailleurs pas à me justifier. J'ai seulement fait une mise au point intitulée : « Lettre ouverte aux miens », (je n'ai pas tenu compte des imbéciles), où j'ai expliqué qu'à ce jour, je ne fais partie d'aucune chapelle politique. Je n'ai pas été voir Bouteflika par calcul. J'ai agi en tant que citoyen libre et c'est tout. De nombreux connaisseurs s'accordent à dire qu'Aït Menguellet est beaucoup plus poète que musicien. Finalement chez toi la trame musicale n'est présente que pour servir de support au texte ? Oui, effectivement. Cependant, mon fils Djaâfar (large sourire) m'a dit que je faisais de belles mélodies qui ont seulement besoin d'arrangements pour être tout à fait valables. Tes productions se font de plus en plus espacées, le dernier album date déjà de deux années. Est-ce un choix ? Non pas du tout. Je suis quelqu'un qui écrit par inspiration. Je ne sais jamais, à l'avance, quand cela se produit. J'ai toujours dit que le jour où l'inspiration s'arrêtera, je cesserai de chanter. Mais un nouvel album de six titres sera bientôt sur le marché. Ton combat pour la reconnaissance de la langue amazighe est toujours au centre de tes préoccupations. Qu'en avec l'apparition de certains qui revendiquent l'autonomie de la région ? C'est de la bêtise, je n'accepterai jamais d'être cantonné dans une région. Je suis Algérien partout en Algérie. Je n'accepterai jamais d'être réduit à un statut restrictif. D'ailleurs, pour en revenir à la langue amazighe, souvent je dis à mes amis arabophones, apprenez la langue, c'est la vôtre aussi. Elle vous appartient tout autant qu'à nous.