Curieusement, c'est dans la partie sud de la wilaya de Mila que le phénomène des « mistates » se développe le plus et s'incruste insidieusement dans les mœurs des riverains. Si secret il y a à cette situation, beaucoup l'expliquent par le fait que la bande nord est connue pour être un haut lieu de conservatisme où les valeurs ancestrales et l'ésotérisme socio-communautaire sont de mise. Tenues à l'écart des grands mouvements migratoires, les régions du massif nord au relief accidenté et, à un degré moindre, les zones intermédiaires ont jusqu'ici survécu au syndrome du dévergondage et du dérèglement alarmant des mœurs. Parmi les maux qui sévissent à grande échelle dans les localités de Tadjenanet, de Chelghoum Laïd, de Oued Athmania, de Téléghma et d'Oued Seguène, l'alcoolisme, et son corollaire la prolifération des « mistates », occupent le devant de la scène. Ces endroits, interlopes de consommation illicite de boissons alcoolisées à ciel ouvert qu'on appelle communément « mistates », sont remis au goût du jour et fleurissent un peu partout à la faveur de cette décennie chaotique, après qu'ils eurent été battus en brèche sous les coups de boutoir des services de sécurité. Au sud de Tadjenanet, tout au long de la voie ferrée, en passant par El Merdja à Chelghoum Laïd et jusqu'aux berges du barrage Hammam Grouz, ainsi que bien d'autres zones boisées dans la périphérie d'Oued Séguène et Téléghma, le commerce informel de spiritueux et de ses multiples ramifications est une vérité qui crève les yeux. Il y a lieu de convenir que le mal indispose énormément les riverains du fait de la proximité et de l'implantation immédiate de ces « halakate » qui ne paient pas de mine. Plus concrètement, disons que le loup est bien dans la bergerie. Et comme les habitants n'aiment pas trop qu'on piétine leurs plates-bandes, on assiste souvent à des scènes de bagarre rangée sanglantes. Parfois aussi, c'est la mêlée générale entre pochades et autres aigrefins qui, au bout d'amples libations, en viennent à s'entretuer à l'arme blanche. L'importance et la densité des affaires impliquant les adeptes de Bacchus qui ont eu maille à partir avec la justice et qui continuent de défiler dans les prétoires, prouvent si besoin est que le mal a atteint la cote d'alerte. A fortiori, des centaines de jeunes, voire de mineurs, sans alternative ni perspective, se laissent en désespoir de cause entraîner dans les travers de l'alcoolisme et de ses effets.