L'Union européenne (UE) et l'Algérie ont au moins un point commun : elles ont, l'une et l'autre, chacune à sa façon, choisi les normes comptables émises par l'International Accounting Standard Board (IASB). Si l'UE a préféré un processus d'adoption simplifié, l'Algérie a suivi une voie complexe qui devrait déboucher sur un système comptable d'entreprise régi par une loi comptable appuyée de textes réglementaires, le tout ancré dans les mêmes normes. L'idée européenne d'une harmonisation d'ensemble touchant tous les domaines juridico-financiers dans la perspective, à l'horizon 2005, d'un marché financier des services intégrés, remonte à 1999. Elle a été incluse dans un « Plan d'action pour les services financiers » (PASF) orienté vers des démarches variées : droit, comptabilité, information financière, opération, marchés et audit. Les travaux menés dans le cadre de ce PASF ont donné lieu à l'adoption de plusieurs textes communautaires portant, entre autres, sur : le statut de la société européenne (SAE), forme de société anonyme, de droit communautaire dotée de la personne morale ; la lutte contre le blanchiment de capitaux ; en comptabilité : évaluation des instruments financiers à la juste valeur, utilisation des normes de l'IASB dans les comptes consolidés, modernisation comptable ; information financière : mise au point, pour émetteurs de valeurs mobilières, d'un prospectus unique, informations périodiques des sociétés ; opérations et marchés : cadre juridique pour la prévention, la détection, l'instruction et la sanction des abus de marché, services d'investisseurs avec un cadre réglementaire relatif à l'exécution organisée des transactions des investisseurs par la voie boursière, réglementation des OPA ; audit : recommandation sur l'indépendance en matière de contrôle légal, communication sur les priorités de l'audit légal. Parmi les prévisions du PASF, plusieurs projets sont en cours de réalisation. Il est question, dans le domaine juridique, de modernisation du droit des sociétés et gouvernances, fusions transfrontalières, transfert frontalier du siège social des sociétés... Pour l'information financière, on s'active autour de la transparence de l'information financière des sociétés. Concernant les opérations et marchés, il est particulièrement question des fonds de pension. En audit, on attend beaucoup de cas déjà célèbres une directive qui fait simplement débat dans la profession comptable bien avant la naissance. Dans le domaine particulier des normes comptables, il revenait à l'UE d'opter pour l'un ou l'autre des deux modèles internationalement connus : celui de l'IASB consacré par les International Accounting Standards (IAS/IFS) pour celles émises avant avril 2001 et pour celles postérieures, dites International Financial Reporting Standards (IFRS), d'une part, et celui américain, avec les US-GAAP (Generally Accepted Accountry Principale, d'autre part. Guidée par des raisons objectives, son choix s'est porté sur le référentiel de l'IASB dont les normes se veulent effectivement à vocation universelle, conçues par un organisme international et qui plus est, sont officiellement recommandés par l'Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières et organismes assimilés (OICV), dont sont membres les Cosob de tous les pays. Il faut savoir que les normes US-CAAP sont destinées d'abord et avant tout aux firmes américaines cotées sur un marché interne et qu'elles ne s'inspirent pas des sociétés étrangères qui dans la mesure où elles sont introduites en Bourse aux Etats-Unis. On doit reconnaître que le rejet des US-GAAP par l'Europe a aussi une signification « politique » : elles sont le fait de décisions américano-américaines sur lesquelles l'UE ne peut disposer d'aucune influence. Pour assurer le suivi des normes comptables internationales désormais en vigueur en Europe, l'UE s'est dotée en juin 2001 de structures ad-hoc : l'Accountring Regulatory Comite (ARC), en français « Comité de la réglementation comptable européen » (CRCE) ainsi que de l'European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG), organe hautement et spécifiquement technique. Le CRCE est composé des membres de l'union ; il est placé sous la présidence de la commission européenne. Il lui est dévolu un rôle politique en raison de sa fonction majeure qui consiste à rendre un avis sur les propositions comptables formulées par la commission ; il leur incombe de proposer leur validation avant qu'elles ne soient rendues applicables à travers des règlements. Il s'agit donc d'une structure fondamentale sans sa validation de portée juridique déterminant les normes ne devraient pas être rendues exécutoires. Et son rôle s'est particulièrement distingué lorsque, en 2003, il s'est prononcé pour l'adoption, en Europe, des normes comptable de l'ISB, à l'exception de celles 32 et 39 retenues en 2004. De son côté, l'EFRAG est composé de membres présentés par les organisations européennes fondatrices, représentatifs de la profession comptable d'entreprises, des bouses de valeur, d'analystes financiers et de certaines activités spécifiques (banques, assurances). Il comprend deux structures : un comité ou conseil de surveillance en charge de recueillir les moyens financiers nécessaires au fonctionnement des activités, normalement assuré à raison de 50% par la préposition comptable et à concurrence de 50% par des organisations représentant les entreprises. Le comité de surveillance nomme les membres de l'autre structure appelée comité technique, qu'il conseille sur l'élaboration de son programme d'activité. Le comité technique comptable, qui a pour tâche de participer activement au processus intérieur de normalisation auprès de l'IASB, d'évaluer techniquement les normes et interprétations du normalisateur international, d'assurer la coordination des avis émis sur les normes, de concevoir des guides d'application. On retiendra de ce qui précède que l'adoption et la mise en application des IHS/IFRS ainsi que des interprétations qui leur correspondent, soumises à la condition d'être conformes aux exigences fixées par le règlement européen, ce qui suppose un double passage obligé : examen par l'EFRAG puis validation par le CRCE. Quant à leur forme exécutoire, elle résulte du règlement après publication au Journal officiel des communautés européennes (JOCE). A côté des règlements, il y a aussi les décisions prises en forme de directives ayant valeur de décisions de droit communautaire dont l'objectif est de favoriser l'harmonisation des législations nationales des Etats membres. Contrairement aux règlements, les directives ne s'imposent pas directement aux ressortissants de l'UE ; elles leur sont applicables à travers une procédure de transposition, qui consiste à laisser à chaque Etat membre le choix des moyens à utiliser (lois, décrets...) pour inclure leur contenu dans le droit interne. Dans le domaine précis de l'harmonisation comptable, l'essentiel est édicté à travers la quatrième et la septième directives ainsi que via quelques autres. La quatrième directive, datée de juillet 1978, concerne les comptes annuels : elle fixe les conditions juridiques équivalentes minimales relativement aux indications financières qui doivent être portées à la connaissance du public. Son contenu s'articule autour de trois axes principaux : structure et consistance des comptes annuels : bilan, compte de résultat, annexe, rapport de gestion ; modes d'évaluation ; règles de publicité et de contrôle des comptes. La septième directive, émise en juin 1983, s'intéresse spécialement aux comptes consolidés : elle se propose de coordonner les législations nationales sur les comptes consolidés en vue de permettre leur comparabilité et d'assurer une équivalence des informations qu'ils fournissent. A cet effet, elle traite : des conditions et modes d'élaboration des comptes consolidés ; du rapport consolidé de gestion ; des règles de publicité et de contrôle des comptes consolidés. Les autres directives sont pour certaines d'entre elles à portée sectorielle : c'est le cas de celles respectivement de décembre 1986 applicables aux banques et institutions financières et décembre 1999 consacrée aux entreprises d'assurances. On citera également la directive de septembre 2001 relative à l'introduction du concept de juste valeur et celle de juin 2003 relative à la modernisation et à l'actualisation des normes IAS/IFRS. A la date du 1er janvier 2005, chacun des Etats membres de l'union avait repris dans son droit interne lesdites directives. Dans le cas particulier de la France, le droit comptable a été modifié en conséquence à travers des introductions dans le code de commerce et dans le plan comptable général. On est en mesure, aujourd'hui, de faire un point global sur les normes telles qu'adoptées par référence aux différents règlements (rapportés par année) qu'il est possible de classer aussi : 1725-2003 : IAS 7 (tableau des flux de trésorerie IAS 12 : impôt sur le résultat) ; IAS 14 (information sectorielle) ; IAS 18 (produit des activités ordinaires) ; IAS 19 (avantages en personnel) ; IAS 20 (subventions publiques) ; IAS 23 (coût d'emprunt) ; IAS 26 (comptabilité et rapports financiers des régimes de retraite) ; IAS 29 (information financière dans les économies hyperinflationnistes) ; IAS 30 (information à fournir dans les états financiers des banques) ; IAS 34 (information financière intermédiaire) ; IAS 37 (provisions passifs éventuels et actifs éventuels) ; IAS 40 (agriculture). 707-2004 : IFRS 1 (première adoption des IFRS) 2086-2004 : IAS 39 (instruments financiers, adoption partielle). 2236-2004 : IFRS 3 (regroupements d'entreprises IFRS 4 : contrats d'assurances) ; IFRS 5 (actifs non courants détenus en vue de la vente et activités abandonnées) ; IAS 36 (dépréciation d'actifs) ; IAS 38 (immobilisation incorporelle). 237-2004 : IAS 32 (instruments financiers - informations à fournir et présentation). 2238-2004 : IAS 1 (présentation des états financiers) ; IAS 2 (stocks) ; IAS 8 (méthodes comptables, changements d'estimations comptables après la date de clôture) ; IAS 16 (immobilisation corporelle) ; IAS 17 (contrats de location) ; IAS 2 (effets des variations du cours des monnaies étrangères) ; IAS 26 (informations relatives aux parties liées) ; IAS 27 (états financiers consolidés et individuels) ; IAS 28 (participation dans des entreprises associées) ; IAS 31 (participation dans des coentreprises) ; IAS 33 (résultat par actions) ; IAS 40 (immeubles de placement). 211-2005 : IFRS 2 (placement fondé sur des actions). Avec un panorama aussi vaste que varié des décisions comptables européennes (on peut en savoir plus en consultant le site internet europa.en.int), on imagine l'étendue de l'animation, de l'imagination, des réflexions engagées au sein des structures permanentes compétentes de l'UE, avant qu'elles ne deviennent exécutoires. Ce qui vient d'être rapporté est déjà assez illustratif pour nous alerter sur l'inaptitude de notre modeste (pour une pas utiliser un qualificatif autrement plus sévère) Conseil national de la comptabilité à mener à bien pour lui-même des actions de normalisation comptable de grande envergure, telles que celles présentement engagées : dans sa conception actuelle il est et sera indéniablement inopérant. Sauf à perpétuer l'appel à la sous-traitance étrangère ainsi que nous venons de le faire, moyennant fortes devises sonnantes et trébuchantes. La formule pourrait tenter certains de nos décideurs à favoriser la pérennité d'une telle démarche. Attention : il y a danger à suivre pareille voie. C'est dit !