Redouane Osmane, porte-parole du Conseil des lycées d'Alger (CLA), mouvement protestataire d'enseignants du secondaire, donne une vision de biais et estime que « la réalité du ministère n'est pas celle du terrain ». Le ministère annonce des chiffres encourageants concernant de nouveaux postes budgétaires dans le secteur... Nous avons déjà contesté la fiabilité des chiffres du ministère concernant le taux de réussite au baccalauréat, le taux de la déperdition scolaire jusqu'aux résultats scolaires et de passage. Les chiffres, on peut les lire comme on veut, mais le terrain est une autre réalité que celle du ministère l'Education nationale. A l'intérieur du pays, nous travaillons encore avec des contractuels en grande majorité. Comment peut-il y avoir réussite scolaire lorsque la précarisation atteint le poste central qui est celui d'éducateur ? La réforme de l'école vous semble-t-elle compromise pour autant ? Je ne comprends pas qu'on parle encore à cette rentrée scolaire de réformes sans que la loi d'orientation scolaire soit pondue. On ne peut pas continuer par mesures successives de dire ça c'est les réformes. La réforme est globale et doit concerner les relations pédagogiques, professionnelle et même entre élève et enseignant. On ne peut pas faire une réforme du système éducatif sans remettre en cause l'archaïsme qui a existé et qui est responsable de la situation actuelle : on n'arrive pas à élever la qualité de l'enseignement ni le taux de réussite au bac, en sixième et de passage de classe en classe. Il y a une accumulation d'élèves qu'on met à la rue. Y en a qui parlent du rôle des écoles professionnelles dans la récupération de ces déperditions. Mais cette récupération n'existe pas, il suffit d'aller voir pour s'en rendre compte. Le ministère est décidé à poursuivre « inlassablement » les actions de réforme... L'opération de communication du ministère est pour dire : nous, on fait notre travail. On est en train d'appliquer point par point les cinquante-deux mesures décidées en Conseil de gouvernement. Ces réformes ne sont pas pensées avec les enseignants, mais dans un cabinet noir qui les projette par instructions. Les réformes telles que préconisées par la commission nationale de réforme de l'éducation, créée en 2000, ne sont pas celles qu'on est en train de vivre sur le terrain. Cette commission a posé de véritables problèmes en amont en provoquant des polémiques sur le bilinguisme entre autres. Mais le véritable diagnostic a été tiré et les véritables recommandations ont été présentées. Au lieu de charger une commission indépendante ou d'experts de les appliquer, on a confié la tâche à des technocrates et tel est le résultat. Quel résultat ? La réforme concerne cette année la 1er année secondaire. Les travaux dirigés ont sauté. Beaucoup d'enseignants sont surpris. Ils se disent que c'est pas ainsi qu'on fait une réforme. Dans ce réaménagement des programmes, des professeurs de physique sont appelés à enseigner l'informatique alors qu'ils n'y sont pas formés. Tous ces problèmes qu'on vit à l'intérieur du système éducatif viennent d'une conception technocratique des réformes. Il n'y a pas de débat avec les enseignants qui sont réduits à de simples exécutants. Avec des enseignants précarisés, qui ont l'échine baissée et qui ne réfléchissent pas sur les finalités de ces réformes, on ne peut pas déboucher sur une réussite.