Le message est clair : c'est une motion de censure pour Moubarak et son régime. » Moins d'un électeur sur quatre seulement a participé à la première présidentielle pluraliste témoignant du désabusement des Egyptiens après 50 ans de scrutins orchestrés d'avance, selon les experts. Provoquant la surprise, le président de la commission électorale, Mamdouh Maraï, a annoncé vendredi dernier un score quasi plébiscitaire de 88,6% pour M. Moubarak, et un taux de participation officiel de 23%. Sur 72 millions d'habitants, qui font de l'Egypte le pays arabe le plus peuplé, 32 millions d'électeurs étaient appelés à choisir leur « raïs » parmi 10 candidats, dont Hosni Moubarak ; seuls 6,3 millions se sont rendus aux urnes. « Ce taux était la donnée clé du scrutin, le message est clair : c'est une motion de censure pour Moubarak et son régime », estime Sayed Mohammed Saïd, vice-président du centre d'études stratégiques d'Al Ahram. Les taux officiels des scrutins antérieurs ont toujours dépassé les 50%, comme lors du référendum constitutionnel de mai, s'envolant parfois vers les sommets, mais sans convaincre aucun observateur indépendant. Celui annoncé pour la présidentielle serait même encore trop élevé, pour n'atteindre en réalité que 18%, selon le centre Ibn Khaldoun du sociologue Ibrahim Saâd Eddine, à la crédibilité louée par les Etats-Unis. Mais il est remarquable et sans doute louable, même aux yeux de l'opposition, que le régime ait accepté pour la première fois d'annoncer un taux aussi faible, avec le risque de la fragilisation du chef de l'Etat. « A 35%, cela est bien, et à 40% très bon », avait affirmé Hadidi Lamees, une porte-parole de la campagne Moubarak 2005. Le président Moubarak avait pressé les Egyptiens d'aller voter pour ce premier scrutin pluraliste. « Je dis aux gens : Allez aux urnes et votez pour le candidat que vous avez choisi. C'est votre responsabilité, ne la négligez pas ». « Le Hosni Moubarak qui s'adresse à vous ce soir cherche l'appui de chacun de vous », avait-il lancé en fin de campagne. Rachwane Dhia , un autre chercheur du Centre d'études Al Ahram, a affirmé que « le régime devait afficher 50% pour avoir la légitimité nécessaire ». Plus qu'une victoire des partisans du boycott, des marxistes aux nouveaux contestataires de Kefaya, ce triomphe des abstentionnistes s'explique par une désaffection populaire causée par des années d'autocratie. « Cela est explicable », selon Sayed Mohammed Saïd, « par les politiques répressives des régimes égyptiens depuis 1952, mais cet absentéisme en chute révèle que la société égyptienne a été exclue de la scène politique ». Le cinéaste égyptien Youssef Chahine avait annoncé qu'il n'irait pas voter, préférant « aller bronzer sur une plage d'Alexandrie », en dénonçant l'absence de « transparence » de la présidentielle de mercredi dernier. « ça, des élections ? C'est plutôt une farce dont le résultat est connu d'avance. Je ne participerai certainement pas à ce jeu », avait aussi affirmé la féministe Nawal Al Saâdaoui.