Les Palestiniens au moins savaient que le retrait israélien de la bande de Ghaza n'était qu'une banale opération tendant à tromper l'opinion internationale, et d'ailleurs ses plus hauts responsables avaient reconnu et même fait valoir que chacune de leurs initiatives tendaient justement à faire avorter celles qui peuvent l'amener à conclure une paix juste avec les Palestiniens et ses voisins arabes. C'est pourquoi, le discours de son Premier ministre devant l'assemblée générale de l'ONU n'a pas suscité le moindre intérêt, tant le monde entier ainsi que ses prédécesseurs avaient admis le principe d'un Etat palestinien. Mais Sharon comme les autres dirigeants israéliens même les travaillistes aiment bien laisser les choses dans l'ombre pour éviter de souscrire au moindre engagement. Il faut par ailleurs se garder du piège tendu par la justice israélienne qui a donné raison à quelques Palestiniens, mais pas au peuple palestinien bien qu'appuyé par une décision de la CIJ (Cour internationale de justice) qui a jugé illégale l'édification du fameux mur de séparation israélien, car c'est une frontière de fait, préjugeant ainsi des futures négociations si jamais celles-ci venaient à se tenir, et du statut des territoires palestiniens. Et en matière de fait accompli, Israël en a fait un axe majeur de sa politique arabe. C'est ainsi qu'il veut cette fois isoler la bande de Ghaza avec l'élargissement, annoncé hier, d'une « zone de sécurité », qui va empiéter de 150 mètres sur le nord de ce territoire palestinien. Cette mesure a été expliquée par la confusion régnant dans la bande de Ghaza depuis le départ lundi des troupes israéliennes après 38 ans d'occupation. Des milliers de Palestiniens ont franchi sans contrôle la frontière entre le sud de la bande de Ghaza et l'Egypte depuis lundi, suscitant des critiques de la part d'Israël. En réponse à cette situation, le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz, a ordonné d'élargir la « zone de sécurité » du côté palestinien dans le nord de la bande de Ghaza « afin d'éloigner le danger représenté pour les localités israéliennes par le chaos régnant dans la bande de Ghaza », a affirmé une porte-parole du ministère de la Défense. Mais il s'agit là d'un chaos programmé, et en la matière, Israël n'innove pas, car la première zone dite de sécurité avait été édifiée dans les mêmes conditions en territoire libanais En réaction, le ministre palestinien au Plan, Ghassan Al Khatib, a accusé Israël de continuer à se comporter en « force occupante ». « Des zones de sécurité doivent se situer entre deux Etats et faire l'objet d'un accord, mais les Israéliens agissent de façon unilatérale. Ils ne nous ont pas consultés », a affirmé M. Khatib. « Malgré le retrait, Israël est toujours une force d'occupation et part de ce principe pour agir », a-t-il déploré. Pour compléter le dispositif d'isolement de la bande de Ghaza, M. Mofaz a ordonné de renforcer les contrôles de sécurité à Erez et Karni, les deux principaux points d'entrée pour les passagers et les marchandises de la bande de Ghaza vers Israël et la Cisjordanie. Mais c'est justement vers ces points que le contrôle de la zone de Ghaza, aussi bien ses habitants que les marchandises qui y entrent ou en sortent, sont contrôlés. D'où alors cette expression palestinienne de grande prison. C'est là où intervient une autre caractéristique de la politique israélienne, et cette fois c'est le chantage le plus abject. Dans son discours à l'ONU, il a déclaré que « c'est maintenant aux Palestiniens de prouver qu'ils veulent la paix ». Ghassan Khatib a critiqué hier ce discours affirmant que ses propos étaient « sans crédibilité » et « décevants ». « La poursuite de la politique de colonisation et la construction du mur de séparation en Cisjordanie font que les propos de Sharon sont sans crédibilité. » M. Khatib a affirmé que les Palestiniens auraient préféré que M. Sharon se dise prêt après le retrait de la bande de Ghaza « à reprendre les négociations bilatérales sur la base de la feuille de route ». Restée lettre morte depuis son lancement à l'été 2003, la feuille de route prévoit la création d'un Etat palestinien indépendant en Cisjordanie et dans la bande de Ghaza, en principe en 2005. Sharon rappelle refuser d'y souscrire sinon à ses propres conditions, comme celle qui consiste à régler les points sensibles - colonisation, frontières, armée palestinienne, réfugiés - selon le point de vue israélien, ce qui donne une idée assez précise des intentions israéliennes. Une négation des droits nationaux du peuple palestinien.