Les pays de la troïka européenne (France, Grande-Bretagne et Allemagne) sont en négociation avec l'Iran sur son programme nucléaire pour amener Téhéran à abandonner ses activités d'enrichissement de son uranium ; aussi les Américains étaient particulièrement attentifs à la présence à l'Assemblée générale de l'ONU du nouveau président irakien, dont c'est la première visite à l'étranger depuis son investiture en juillet dernier. Tous guettaient un hypothétique signal de la part de Mahmoud Ahmadinejad devant la communauté internationale allant dans le sens de l'appel lancé par ces pays pour l'amener à accepter des missions de surveillance de ses installations nucléaires sous peine de voir Téhéran traîner devant le conseil de sécurité où il n'aura aucune chance de s'en sortir à bon compte devant l'acharnement des Américains. Peine perdue : le président iranien, qui n'a pas fait mystère de ses intentions sur le dossier nucléaire déjà dans sa première déclaration officielle après son élection où il s'était engagé à poursuivre le programme tracé par son pays, était loin d'adopter un profil bas à l'ONU où il n'a pas changé une virgule au discours traditionnel de son pays sur ce dossier sensible. Intervenant devant ses pairs à la tribune des Nations unies, M. Ahmadinejad a dénoncé en des termes virulents « l'apartheid nucléaire » pratiqué par les Occidentaux et les Américains à l'encontre de son pays, affirmant clairement que Téhéran ne renoncera pas à produire de l'uranium enrichi. Pour prouver sa bonne foi que l'Iran n'a rien à cacher et que son programme nucléaire est destiné à un usage civil, le président iranien a lancé à la tribune des Nations unies un appel aux entreprises occidentales pour contribuer au programme d'enrichissement de l'uranium iranien et cela en vue « d'approfondir la confiance » entre l'Iran et ses partenaires occidentaux qui ne voient pas d'un bon œil son programme nucléaire. Personne parmi les détracteurs du programme nucléaire iranien n'attendait cette sortie du président iranien, qui a, d'une certaine manière, piégé les pays occidentaux et les Etats-Unis. Par cette attitude, l'Iran entend reprendre l'initiative politique sur ce dossier, tout en demeurant ferme sur les principes défendus par son pays quant à la gestion du dossier nucléaire. Dans un entretien avec CNN, M. Ahmadinejad a en effet clairement brandi la menace d'un désengagement iranien de ses actuelles obligations internationales « si certains essaient d'imposer leur volonté » à Téhéran. Réunie depuis lundi dernier à Vienne, l'agence de sûreté nucléaire de l'Onu a désormais la lourde responsabilité de décider des suites à donner au refus iranien, concrétisé en août par la reprise de la conversion d'uranium. Les 35 pays siégeant au Conseil des gouverneurs, l'exécutif de l'AIEA, devront en particulier se prononcer sur la saisine ou non du Conseil de sécurité de l'Onu. Une perspective à laquelle travaillent avec acharnement les Américains qui l'ont encore rappelé avec force à l'Assemblée générale des Nations unies par la voix de Condoleeza Rice, secrétaire d'Etat américain. L'Iran a vivement réagi à ces menaces, en mettant en garde hier contre le risque d'une « radicalisation » si l'agence de sûreté nucléaire de l'ONU franchissait le pas de saisir le conseil de sécurité. « Nous attendons de l'AIEA qu'elle n'agisse pas de manière irréfléchie, unilatérale et extrême. S'ils traitent cette affaire de manière politique et non pas technique, le climat va se « radicaliser », a prévenu devant la presse le porte-parole iranien des Affaires étrangères Hamid Reza Assefi. L'Iran ne montre aucun signe de panique, sachant pertinemment qu'elle dispose entre ses mains d'un atout de taille celui de jouer sur les rivalités et les désaccords existants entre les membres du Conseil de sécurité sur le nucléaire iranien. De plus, Téhéran n'hésitera pas en tant que second producteur de pétrole de l'Opep à utiliser l'arme du pétrole pour tenter de se sortir de la mauvaise passe dans laquelle elle se trouve.