Après une éclipse due à des difficultés d'intendance, dont la perte de l'usage de son local, l'un des plus beaux fleurons de l'activité théâtrale durant les années 1990, une compagnie née à un moment où l'on clamait la mort du théâtre algérien et que l'on organisait outre-Méditerranée la supercherie d'un « théâtre algérien en exil », la troupe El Belliri de Constantine revient au jour. Elle revient fort avec une sélection en compétition au Festival expérimental international du Caire. Elle y sera avec Chouf y a Ahmed le 23 septembre bien que le coup d'envoi du festival ait eu lieu le 20. Le 23 est le jour de sa première représentation. C'est dire si Belliri y va en catastrophe. En effet, l'heure d'arrivée dans la capitale d'Oum eddounia est prévue à 16 h alors que la représentation est programmée à 21 h, soit à peine le temps d'assurer la mise en place du spectacle. Le lendemain, elle doit donner une deuxième représentation. Et même s'il n'y a pas lieu de douter du professionnalisme de la troupe, espérons que c'est cette seconde prestation que le jury verra pour de meilleures chances au palmarès. En fait, tous ces couacs résultent de l'inconséquence des pouvoirs publics en matière de promotion de la culture. En effet, ni le ministère de la Culture ni la wilaya n'ont réagi favorablement pour contribuer au montage financier devant couvrir les frais de déplacement de la troupe. Seule l'APC de Constantine a réagi positivement en prenant en charge les frais de transport. Pour le reste, El Belliri devra se débrouiller. Par ailleurs, même si au sein de la compagnie on se dit heureux que le TR Constantine ait bénéficié d'une subvention du ministère pour participer à un festival de théâtre pour enfants en Turquie, on ne peut s'empêcher de se désoler de la politique de deux poids, deux mesures en faveur d'une entreprise étatique. A ce rythme, qu'en sera-t-il de la participation d'El Belliri au Festival de Carthage, auquel elle est invitée en novembre, avec, une fois encore, dans ses bagages Chouf ya Ahmed ? Mais qu'en est-il d'abord de cette production ? Pour ce qui est du thème, il est question d'enfermement, de tous les enfermements. Qu'ils soient dans les traditions ou dans les illusions de toutes natures. Fait plus remarquable, Khaled Belhadj, dans sa mise en scène, a investi ce que l'on appelle les nouvelles écritures dramatiques en devenant coauteur par le biais d'une écriture scénique. Celle-ci, gorgée d'une esthétique de la séduction, fait appel au décor virtuel, à la création de lumière, à la chorégraphie et à la musique. C'est en quelque sorte sa « marque de fabrique », lui l'adepte d'un théâtral visuel qu'il veut à l'opposé d'un théâtre langagier qui domine sur les scènes nationales. Par ailleurs, plutôt que de réduire la distribution à deux acteurs en rapport aux deux personnages du texte dramatique, le prisonnier et son geôlier, Khaled Belhadj avait fait intervenir quatre comédiennes. Dans la mouture qui sera présente au Caire, son assistant metteur en scène, Hamoudi Hamza, a revu la distribution en faisant intervenir deux comédiens et trois comédiennes. Aux côtés du talentueux comédien qu'il est, la réplique est assurée par Boudchiche Ahmed, Hamida Zoghmiche, Naoual Awag et Tin Hinan.