Yazid Zerhouni, ministre de l'Intérieur, a déclaré hier sur les ondes de la Chaîne III de la radio nationale que le gouvernement « va se mettre au travail pour traduire concrètement ce choix (résultats officiels du référendum de jeudi) à travers des lois et des textes réglementaires ». L'Exécutif devra étudier, selon lui, les questions de son ressort et celles qui reviendront au Parlement. Zerhouni a ajouté que le gouvernement avait « suffisamment d'instruments pour traduire cette charte en lois et textes réglementaires ». « Les choses devront aller vite pour tirer bénéfice de l'effet des résultats du référendum », a indiqué hier Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH, officielle). « La charte parle d'extinction et non d'exonération de poursuites, c'est une différence avec la loi sur la concorde de 1999. Il va falloir donc commencer par promulguer des textes d'extinction de poursuites d'un côté et instruire les juges d'instruction, mais aussi les polices judiciaires (DRS, gendarmerie, police) pour suspendre toutes poursuites ciblant les personnes citées par la charte », a expliqué, pour sa part, l'avocate Fatma Benbraham, contactée hier par téléphone. Les juges d'instruction devront prononcer l'extinction des poursuites en se référant à ces textes attendus mais ils ne s'agit ni de non-lieu ni de jugement d'innocence », précise-t-elle. Me Benbraham a indiqué que d'autres textes devront porter extinction des poursuites contre les personnes recherchées en Algérie ou à l'étranger. « Il y faudra alors réglementer l'annulation des mandats d'arrêts mais de manière spécifique », a-t-elle ajouté. « Il s'agit de toucher au droit pénal ce qui requiert un arsenal juridique d'ordonnances, de décrets, de circulaires et de lois », a-t-elle dit. D'autres textes porteront également sur les commutations de peine alors que les mesures de grâce portées par la charte seront assumées, conformément à l'article 77 de la Constitution, par le chef de l'Etat. L'ONG Human Rights Watch (HRW) a attiré l'attention, dans son analyse des dispositions de la charte, sur le fait que ces commutations de peine ne seraient conformes aux normes internationales du droit que si ces remises de peines restent proportionnelles à la gravité des délits commis. Combien seront-ils graciés ? Ceux par exemple accusés de « soutien au terrorisme » ? « L'article 87 du code pénal portant sur les faits du terrorisme a connu plusieurs « extensions », ce qui a élargit le champ de la pénalisation au point où l'on ne sait plus combien exactement existe de dossiers judiciaires ayant trait aux affaires islamistes », répond Me Benbrahem. L'article 87 bis du code pénal, adopté le 25 février 1995, définit les « actes terroristes » et « subversifs » ainsi que les infractions liées au soutien au terrorisme et à la subversion. Ils incluent notamment la création d'une organisation terroriste, la connaissance d'une participation aux activités d'une organisation terroriste, l'apologie du terrorisme, la diffusion de documents qui font l'apologie du terrorisme. Selon l'avocate, il faudrait reprendre les dossiers depuis l'affaire dite de « l'émir Nouh » en 1993 - impliquant pour rappel 87 personnes - et remonter jusqu'à nos jours. « D'ailleurs, les affaires de soutien au terrorisme représentent 80% des dossiers dits islamistes », a-t-elle ajouté. « Nous n'avons pas de chiffres précis. Mais si on considère qu'il y a 35 000 détenus en Algérie, environ la moitié serait en prison pour affaire islamiste », s'est avancé l'avocat Miloud Brahimi. Il a estimé que, grosso modo, la majorité de ces 50 % serait touchée par les mesures d'extinction de peine et de grâce comportées dans le projet de charte.