Smaïl Mimoune, ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, n'avait pas vu grand-chose à Annaba où il était en visite de travail ce samedi et n'a même pas eu le temps d'écouter les petits marins pêcheurs poser leurs problèmes. Tel qu'élaboré par les services de la wilaya, le programme de visite comportait 2 points intéressants : le port de pêche et son extension en cours de réalisation ainsi que la pêcherie. Le port de pêche de Chetaïbi, malgré son rayonnement sur l'ensemble de la région de Jijel, Skikda à El Tarf en passant par Annaba, ne figurait pas sur ce programme. Pourtant, ce port est confronté à une multitude de problèmes. Malgré la disponibilité d'une enveloppe financière dégagée par le ministère, géré à l'époque par Bouguerra Soltani, cet engin nécessaire pour les petites réparations navales n'a pas vu le jour. Certains habitués du blanchiment d'argent, sous prétexte de réparations en Tunisie, en ont décidé ainsi. Code de wilaya et communal oblige, le P/APC de Annaba paraissait sous le coup d'une interdiction de parler. Il ne lui a pas été permis d'expliquer au représentant du gouvernement le pourquoi de la sous-exploitation de la pêcherie communale. Le contraire aurait éclairé M. Mimoune sur les conséquences de la puissance de la mafia locale du poisson. Réalisée à coups de milliards, la pêcherie de la Grenouillère avec ses effectifs permanents et ses équipementsarrive difficilement à atteindre 7000 DA/jours de chiffre d'affaires. Tout avait été fait pour éviter au ministre un contact avec les gens de la mer. Quelques minutes auparavant, plusieurs avaient juré de dénoncer des situations, dont seuls sont bénéficiaires les armateurs et patrons pêcheurs travaillant « au large ». Dans cette pêcherie, il n' y a pas de crieurs comme dans les infrastructures du genre à travers le monde y compris de chaque côté de nos frontières Est et Ouest. Quant aux mareyeurs, ils n'existent pas dans le dictionnaire de ceux qui se sont enrichis à Annaba. Inaugurée en 2002, la pêcherie très vaste était très propre à l'arrivée du ministre. Elle ne sentait pas l'odeur du poisson et paraissait être occasionnellement exploitée. « On compte aujourd'hui une cinquantaine de marins pêcheurs, dont les familles n'arrivent toujours pas à manger à leur faim. Ils seront plus nombreux dans les prochains mois à se retrouver dans l'impossibilité de rembourser leur crédit bancaire. Ils n'ont plus les moyens financiers d'assurer l'entretien et la maintenance de leur outil de production, les magasins d'accastillage et d'avitaillement exigent le paiement rubis sur l'ongle », explique un de ses marins pêcheurs. Beaucoup de jeunes pêcheurs pensent sérieusement mettre en vente un bateau invendable et s'inscrire à la caisse du chômage à laquelle ils n'ouvrent pas droit ou pour une aide sociale. Contrairement à ce qui se fait à travers le monde, y compris dans les pays de l'Union européenne avec lesquels l'Algérie est liée par le récent accord d'association, à Annaba, les armateurs sont toujours à l'emballage en bois avec clous rouillés. La désorganisation dans la gestion de cette infrastructure leur permet d'entreposer sur les quais emballages et containers sans avoir à payer le moindre centime d'installation. Pas de controle strict Le non-respect du code maritime n'est plus un secret, notamment en matière de lieux, d'engins et d'équipements de pêche. Tout le monde enfreint la loi en l'absence d'un contrôle strict ; seul le menu fretin est harcelé et continuellement soumis à des sanctions. Le gros poisson traficote en toute impunité au large et sur les quais. « Nous ne demandons pas une quelconque faveur, mais une équité dans le contrôle effectué par la marine nationale. Seuls les petits sont soumis à cette contrainte. Les gros poissons, quant à eux, naviguent librement dans les eaux troubles de la vente illicite et de l'exportation. Ceux qui sont chargés du contrôle ne s'inquiètent pas du vide quotidien qui caractérise la pêcherie alors que le marché local, régional et de l'exportation regorge de poissons et de fruits de mer. Le comble est que le poisson est vendu sur la voie publique et sous les yeux de la police à une dizaine de mètres de la pêcherie. Les espèces nobles comme le merlan, la sole, le grondin, la raie et autres poissons de qualité atterrissent ailleurs qu'à Annaba », affirme un interviewé. Il n'y a pas de conserverie de poisson à Annaba. La seule qui avait ouvert ses portes à Sidi Salem à la fin des années 1980 a aussitôt fermé pour insuffisance d'approvisionnement. Le paradoxe est que le poisson coûte beaucoup moins cher dans les villes de l'intérieur du pays qu'à Annaba, où le service des impôts est constamment en alerte, y compris sur le port très tôt très tard.