Le pouvoir essaye, avec tous ses services et structures, d'empêcher la pérennité d'un projet porté par des hommes et des femmes qui ont donné leur vie pour la construction d'un Etat démocratique et social.» L'absence, avant-hier à Ifri, de commémoration officielle du 54e anniversaire du Congrès de la Soummam a donné une nouvelle occasion à Karim Tabbou, premier secrétaire national du FFS, d'égratigner le pouvoir en place. Au pied du monument aux martyrs, où il a déposé une gerbe de fleurs, Karim Tabbou s'est adressé à une foule de militants et sympathisants du parti pour marquer, a-t-il dit, une tradition politique et un engagement s'éloignant «d'une approche folklorique ou de simple évocation de l'histoire». C'était l'occasion pour lancer que le parti d'Aït Ahmed est «le prolongement naturel du mouvement national» et «le vrai FLN historique». «Et personne ne peut nous négocier cette place», a précisé l'orateur, qui remontera à l'aube de l'Indépendance pour rappeler qu'«en 1962, lorsque le FLN a été détourné de ses objectifs, pris en otage par une clique mafieuse qui en a fait un appareil de liquidation nationale, inévitablement, des hommes intègres ont créé une organisation qui s'appelle le FFS, qui est le prolongement naturel du mouvement national». «La Wilaya III a été à l'avant-garde des luttes, non seulement pour la libération mais aussi pour que cette libération ne soit pas détournée du projet démocratique», a-t-il déclaré avant de dénoncer «une démarche punitive» contre la Kabylie qui se matérialise par un «chantage social et économique et une asphyxie politique». «Finalement, on veut faire payer à la région le fait d'avoir proclamé un jour son adhésion à un projet démocratique», accuse-t-il. Une demi-heure plus tôt, la foule conduite par Karim Tabbou, le président de l'APW de Béjaïa et des cadres et élus du FFS, a déposé une gerbe de fleurs sur les tombes des victimes des événements de 2001 dans la ville d'Ouzellaguen, après avoir fait la même chose au carré des martyrs de la Révolution. En évoquant les tragiques événements du printemps noir, Karim Tabbou a voulu donner une image à la «démarche punitive» qu'il dit être adaptée ailleurs dans le pays. «Le pouvoir applique sa stratégie qu'il a adaptée à Ghardaïa qu'il veut asphyxier. Il adopte une autre stratégie, ailleurs, pour essayer d'empêcher les Algériens d'avoir envie de vivre», a-t-il déclaré sous le soleil de midi. «Aujourd'hui, autant l'été est très chaud, autant le pays est politiquement très froid, ne bouge pas, reste bloqué.» L'orateur donne l'illustration de ses propos en rappelant l'interdiction signifiée par les autorités publiques aux universitaires et aux présidents d'APC d'engager des échanges avec l'étranger et le refus «têtu» d'agréer des partis politiques. «Dernièrement, ils ont poussé le mépris, le ridicule et la violence jusqu'à interdire aux ambassadeurs d'avoir des relations avec la société civile sans autorisation du ministère des Affaires étrangères. C'est vous dire que c'est un pays qui se referme davantage», ajoute Tabbou, qui estime qu'aujourd'hui, seuls «les militaires et les milliardaires fonctionnent et se développent». Pour le FFS, porter le projet de la plate-forme du Congrès de la Soummam relève d'un double devoir. En premier lieu, le devoir moral et historique vis-à-vis de l'histoire et des dirigeants de la Révolution. «Nous sommes ici pour leur parler, parce que leurs esprits sont là, nous voulons les assurer que nous sommes, en 2010, aussi présents qu'ils l'étaient, eux, en 1956», a affirmé Tabbou. Le deuxième devoir est politique. «Au niveau de l'élite, il y a une grande partie qui a renoncé à ses responsabilités et à son engagement», a déclaré le n°2 du FFS, qui a décoché une flèche en direction du RCD, qu'il ne nomme pas, et dont nous avons croisé, hier, des élus et des militants sur le chemin du retour d'Ifri.