L'Algérie compte 7 millions de logements. 55% de ces logements sont considérés vétustes. L'âge d'une construction ne se mesure pas à sa vétusté. Dès que vous finissez les fondations de votre construction et que vous commencez les autres parties, votre logement est déjà vétuste de 2%», affirme Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (CNEA) en nous recevant dans son bureau situé dans un immeuble au centre de Kouba qu'il considère vétuste, et ce, bien que d'apparence correcte – il date du temps du plan de Constantine. C'est dire les nuances qu'il y a quand on aborde le problème du vieux bâti en Algérie. Sujet qui a fait l'actualité récemment avec la sortie des services de la wilaya d'Alger qui ont décidé de s'y attaquer avec une enveloppe de 5 milliards de dinars. Opération médiatique précédée par la mort, moins médiatisée, d'un passant qui a succombé après avoir reçu sur la tête un bloc d'un balcon en plein centre d'Alger. Selon ce diplômé en architecture et urbanisme de l'université de Turin (Italie), «l'Office national des statistiques (ONS) avait recensé, en 1980, 3 203 542 logements en Algérie. D'autres logements ont été construits entre cette date et 2010. On se retrouve avec plus de 7 millions de logements. Si on prend en compte le fait que les premiers datent de plus de 30 ans, on peut facilement affirmer que 50 à 55% de ces logements sont frappés de vétusté». Il met en cause l'absence de maintenance. Il déplore l'élimination de la fonction de concierge au début des années 1970 qui a coïncidé avec le début de la détérioration des logements. «L'Algérie est le pays qui consomme le moins de peinture au monde avec un demi-litre par habitant et par an», affirme le président du CNEA et de son pendant maghrébin pour illustrer le manque d'entretien des logements en Algérie. Car la vétusté d'un logement ne se mesure pas à son âge. Certains immeubles datant du début des années 2000, dont la peinture n'a pas été refaite, ont un aspect «millénaire». Que faire avec autant de vieux bâtis ? Abdelhamid Boudaoud explique qu'on ne va pas tout détruire. Il y a une grille de vétusté qui établit, par exemple, la durée de vie de la peinture à 10 ans, la plomberie à 15 ans et la menuiserie à 20 ans. Avec des familles composées en moyenne de 6 personnes, la norme baisse à 5 ans pour la peinture. Pour celui qui a travaillé en Amérique latine avant de s'établir en Algérie au début des années 1980, il y a lieu d'établir un carnet de santé pour chaque construction et bâtisse. Ce travail devra être fait par un architecte et non un ingénieur, explique le président du CNEA, qui jure ne rien avoir contre le CTC. Ce carnet de santé, à l'image du carnet d'entretien établi pour les véhicules, suivra le logement et sera nécessaire à toute transaction immobilière. Il permettra de consigner tout changement apporté au logement. «Il est clair que tout ceci doit être introduit par une loi», affirme l'ancien directeur des études du Parc zoologique d'Alger. «Le Collège national des experts architectes, affirme-t-il, lance un appel aux plus hautes autorités de l'Etat pour obliger les communes à recenser leur patrimoine immobilier pour le classer et le réhabiliter à une cadence de 20 % annuellement avec un autre 20% pour l'achèvement de la construction du patrimoine inachevé. Et conditionner l'octroi de nouveaux projets au respect de ces conditions.» «Sur quelle base les communes expriment-elles leur besoin», se demande le président du CNEA, qui rappelle que, selon le recensement d'avril 2008, l'ONS a donné le chiffre de 1,5 million de logements inoccupés. Le Collège national des experts architectes l'estime à 2 millions. Prêchant pour sa paroisse, Abdelhamid Boudaoud plaide pour la réhabilitation de la fonction d'architecte. «Dans les années 1970, on avait un architecte pour 20 à 30 communes et maintenant on a 6 architectes par commune. Alors laissons les architectes travailler», lance-t-il. Le président du CNEA préconise aussi d'exploiter le filon des assurances pour couvrir les besoins en réhabilitation du vieux bâti. Mais il accuse ces dernières de ne pas jouer leur rôle. «Dans le cas de l'assurance catastrophe naturelle, on n'a promulgué une loi qui oblige les propriétaires de biens immobiliers à les assurer, mais nous sommes à moins de 10% du taux d'assurance», a-t-il ajouté. Lamara Latrous, PDG de la SAA et président de l'Union algérienne des sociétés d'assurance et de réassurance (UAR) ne contredit pas Abdelhamid Bendaoud sur ce taux. Il affirme toutefois que les compagnies d'assurances algériennes assurent tout type de bâtisse quel que soit l'état. «Il faut toutefois comprendre que les assurances habitations que nous offrons ne couvrent pas les effondrements.» Pour le PDG de l'assureur public, la vétusté d'une bâtisse n'influe pas sur le coût des polices d'assurance dans le cas des CAT NAT. Ce qui compte c'est la zone dans laquelle se trouve la bâtisse. Lamar Latrous confirme que le client algérien est difficile à convaincre de contracter une autre assurance que celle de sa voiture. Il rappelle que ses agents avaient proposé des contrats d'assurance à des commerçants avant les inondations de Bab El Oued. Ces derniers avaient refusé. Les mêmes agents sont revenus aux concernés qui ont refusé croyant qu'une catastrophe n'arrive qu'une seule fois. «Ceci doit pousser les sociétés d'assurance à investir dans la communication», conclut le président du CNEA.