Parler du Brésil de 2010, c'est immanquablement évoquer un miracle qui tient à un seul nom : Lula, que le monde entier a fini par connaître et préfère appeler ainsi malgré les convenances diplomatiques. Lui-même n'en voudrait certainement pas, lui qui est resté attaché à ses principes et qui avait démenti tous les pronostics en se lançant à la conquête du pouvoir. Beaucoup croyaient que c'était là la plus belle façon d'en finir avec ce qui reste de la gauche à travers le monde, depuis la conversion au libéralisme des anciens pays communistes.Et dans un certain sens, il a su maintenir le cap, le sien et celui de son pays, et même en alliant les uns et les autres. A sa manière, il a su réduire la pauvreté de manière considérable, en donnant des millions d'hectares aux paysans sans terre, créant même autant de consommateurs en produits les plus divers dont a besoin son économie. Une magie, même si lui n'y croît pas. Une question de simple bon sens. En deux mandats, il a tout donné au Brésil, sauf une coupe du monde de football, et son pays lui est reconnaissant, lui qui voudrait si bien qu'il y ait continuité, sinon que son héritage soit au moins préservé. C'est dans un tel contexte que se tiennent aujourd'hui les élections générales au Brésil (présidentielle et législatives). «Je sais le nombre d'infamies et de préjugés que j'ai surmontés pour arriver où je suis. Maintenant, mon seul objectif est de montrer que j'ai plus de compétence que beaucoup de gens qui ont gouverné ce pays», avait dit Lula avant sa réélection en 2006. Le pari semble gagné. Au sommet de sa popularité, le président sortant est en passe de remporter sa dernière bataille politique : faire élire aujourd'hui son successeur, Dilma Rousseff. La bonne santé de l'économie et des programmes sociaux comme la «Bolsa Familia» (Bourse familiale) ont permis de sortir 29 millions de Brésiliens de la pauvreté et de faire monter sa popularité à un record de 80%. Il touche les foules quand il raconte, de sa voix profonde et un peu rauque, qu'une mère de famille, depuis qu'elle a la lumière grâce au programme «Electricité pour tous», se lève trois ou quatre fois la nuit pour voir son enfant dormir. A la veille de ce rendez-vous, les sondages le lui rendaient bien, puisque Dilma Rousseff mobilise les militants de gauche face à ses deux principaux rivaux qui tentent de forcer un deuxième tour. Il se peut même que cette élection se joue dès le premier tour. Néanmoins, dans tous les cas de figures, Dilma, 62 ans, dépasse la moitié des suffrages exprimés - bulletins blancs et nuls exclus - seuls pris en compte au Brésil. Face à ses électeurs, croyant en une victoire facile, Dilma Rousseff a appelé les militants du Parti des travailleurs fondé par Lula à «ne pas baisser la garde» et «à descendre dans la rue pour arracher chaque vote». De leur côté, ses principaux adversaires redoublent d'efforts pour forcer un deuxième tour le 31 octobre. Statistiquement, près de 136 millions de Brésiliens sont appelés aux urnes également pour renouveler l'Assemblée nationale et les deux tiers du Sénat, et désigner les gouverneurs et les députés des 27 Etats fédérés. Un second tour pourrait avoir lieu le 31 octobre pour l'élection à la présidence et les élections aux 27 postes de gouverneur d'Etat si aucun des candidats n'obtient aujourd'hui la majorité des suffrages exprimés. Les sénateurs (54 sur 81 au total) sont élus au scrutin majoritaire à un tour. Les 531 députés sont élus à la proportionnelle, au premier tour également. Politiquement, le visage du Brésil ne risque pas de connaître de profonds bouleversements. Plus que cela, les Brésiliens, certainement malheureux que Lula n'ait pas le droit –constitutionnellement - de briguer un troisième mandat, s'interrogent sur la gestion de son héritage.