Les pays membres du Fonds monétaire international (FMI), via le G7 et le G20, tentent de trouver une solution au problème épineux qui les divise le plus depuis plusieurs semaines, celui des taux de change. La bataille est déclarée entre les pays riches et émergents sans arriver à un compromis pour l'instant. On parle même de «guerre des monnaies», selon l'expression employée par les Brésiliens, que refuse le directeur général du FMI, Dominique Strauss Kahn, ainsi que la ministre française de l'Economie, Christine Lagarde. Le ministre brésilien des Finances, Guido Mantega, avait été le premier à employer le 27 septembre l'expression de «guerre des changes», qui a depuis fait le tour de la planète. Pendant que le dollar continue de chuter, le patron du FMI tente de dissuader les gouvernements d'utiliser le taux de change de leur monnaie «comme arme» face à la crise économique. Dans se sens, les Etats-Unis et l'Europe, pour une fois d'accord sur un sujet économique, s'en sont pris aux pays interventionnistes comme le Brésil et à la Chine. Aucun compromis n'est perceptible Le Comité monétaire et financier international (CMFI), l'instance chargée de définir les grandes orientations du FMI où siègent 24 pays, devait se prononcer au nom des 187 Etats membres. Le groupe des 7 pays développés est «globalement» d'accord sur les questions des monnaies, sur celles à taux de change rigide, et sur la façon dont elles devraient fluctuer, selon la présidence canadienne du G7. Ce qui n'est pas le cas au sein du G20 qui réunit les pays riches et émergents. La Chine est pointée du doigt par les Américains, à travers son secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner qui a résumé la position des sept qui dénonce «l'ampleur des interventions sur les marchés des changes de la part de pays cherchant à entraver l'appréciation de leur devise sous-évaluée». Il faut dire que la Chine laisse flotter plus librement le yuan depuis juin tandis que les pays développés le font progressivement, selon le secrétaire au Trésor américain. En mars dernier, le FMI avait lancé la proposition de publier des rapports sur les effets de la politique économique (budgétaire, monétaire ou de taux de change) des plus grandes économies mondiales sur l'économie mondiale. Ainsi, il pourrait éventuellement offrir une issue à la crise par le biais du renforcement de ses procédures de surveillance des changes. Cette proposition n'a pas obtenu l'adhésion de la majorité. Pour l'heure, le fonds étudie les conséquences uniquement nationales des choix économiques, dans ces rapports. L'institution financière n'a aucune possibilité lui permettant de rappeler à l'ordre un pays ayant une monnaie sous-évaluée, soit le cas du yuan. La répartition des sièges au FMI conditionnée par le compromis sur les monnaies Les Européens conditionnent l'accord sur la répartition des sièges au conseil d'administration du FMI par une mesure forte sur les monnaies. Cet accord est repoussé à plus tard. Ils contrôlent neuf sièges sur 24, mais devrait céder une partie pour augmenter la présence des pays émergents au sein du conseil. Un compromis entre pays riches et émergents devra être trouvé ce week-end pour venir à bout de cette «guerre des monnaies».Pour s part, le Brésil ne compte pas céder devant la pression et continuera d'intervenir pour freiner l'appréciation de sa monnaie. Son ministre des Finances, Guido Mantega, s'exprimant devant la presse, en marge de l'assemblée annuelle du Fonds monétaire international (FMI), à Washington, a affirmé qu'il y a risque d'un échec du G20 s'il ne fait pas «face au problème dans son ensemble» et laisse «chaque pays mener sa politique». Pour lui, le groupe des 20 économies les plus importantes du globe (G20) doit s'attaquer au problème de la «guerre des monnaies», s'il ne veut pas échouer en tant que tel. A la fin janvier, les Etats membres du FMI devront trouver un consensus sur la révision des quotes-parts, discutée depuis plus d'un an, pour déterminer la contribution de chacun des 187 Etats membres et donc sa part dans les droits de vote. A la fin du mois (octobre), sous peine d'ouvrir une crise, il est urgent de trouver une nouvelle répartition des sièges à la plus haute instance de décision du FMI, son conseil d'administration où les Etats-Unis et des pays émergents considèrent que les Européens sont surreprésentés. Conséquence sur l'économie mondiale Dominique Strauss Kahn a averti dans le Financial Times que le fait d'utiliser le taux de change comme une arme constitue «un risque très grave pour la reprise mondiale». Selon Noredine Naam, économiste chez Natixis, a mis en garde contre une «guerre des devises» risquée qui «si elle se traduit ensuite par des mesures vraiment protectionnistes». C'est le cas des Etats-Unis qui a approuvé lundi dernier un projet de loi prévoyant des mesures de rétorsion contre la Chine. Si tout le monde s'y met, cela entravera le commerce mondial et par là la croissance mondiale», a-t-il développé. Il a de nouveau appelé les pays émergents à faire des efforts pour participer au rééquilibrage de l'économie mondiale en laissant leur taux de change s'apprécier. Mais la Réserve fédérale américaine a mené depuis le début de la crise une politique de taux d'intérêt quasi-nuls qui a eu pour effet un transfert massif de capitaux vers les pays émergents, ce qui nourrit les craintes d'une «guerre des monnaies». Le G20 s'est engagé formellement en septembre 2009 à favoriser une «croissance équilibrée» de l'économie mondiale. Mais il est loin du compte, entre des Etats-Unis qui inondent leur système financier de liquidités, des Européens qui resserrent leur politique budgétaire, des Japonais qui interviennent pour faire baisser le yen, et des Chinois qui accumulent les réserves en devises étrangères pour que le yuan reste faible. Le G20 doit se réunir en sommet les 11 et 12 novembre à Séoul en Corée du Sud.