La «Bourse du change d'Alger» serait-elle en crise ? Une chose est sûre, les marchés des changes de devises, informels qu'ils soient ou officiels, connaissent un certain ralentissement. Et ce ne sont pas les cambistes du square Port-Saïd qui diront le contraire. «Oui, il y a effectivement une baisse de l'activité», confirme l'un de ces «traders parallèles». Les clients sont moins nombreux, les montants échangés moins importants et même les sommes injectées dans ces réseaux semblent avoir diminué. Et chacun y va de son explication, certains avec un brin de mauvaise foi tout de même. Debout, adossé à une arcade de la place Port-Saïd, un jeune homme agite machinalement une liasse de billets rouges, tout en scrutant automobilistes et piétons. «Le ralentissement des échanges est principalement dû à la hausse vertigineuse du cours de l'euro dans les Bourses. Alors, les gens préfèrent attendre», explique-t-il sur le ton de la confidence. Selon lui, toutes ces «petites entreprises ne connaissent pas la crise». Pourtant, l'avis n'est pas partagé par l'ensemble des cambistes qui longent les rues du square Port-Saïd. Et sur le visage de certains d'entre eux, particulièrement les plus jeunes, la tension est palpable. «Il est vrai que l'on sent que l'étau s'est resserré. La surveillance s'est accrue et la présence policière, en civil s'entend, se manifeste de plus en plus», confie-t-il. Le manque de liquidités, surtout en euro, se fait aussi ressentir. «Mais les plus pénalisés sont moins les réseaux activant au square Port-Saïd, que ceux d'El Harrach ou de Bab Ezzouar», croit-on savoir. «Alors, oui, on a peur que cette crise nous atteigne. Surtout depuis l'affaire de Hydra», ajoute, dans un souffle, le jeune homme. A en croire les dires d'un autre jeune trader, activant sur la place depuis près de cinq ans, les accusations d'écoulement de faux billets portées à l'encontre de ce commerçant ne sont en aucun cas fondées. «Il travaillait correctement. Ce n'était qu'un coup monté», affirme-t-il. Et ce sont justement ces «vrais-faux» billets qui font trembler, plus qu'autre chose, les réseaux du change parallèle ainsi que les citoyens qui ont pour habitude de traiter avec eux. D'autant plus que des rumeurs insistantes ont fait état de l'introduction de cette fausse monnaie sur la place du Square. «Certains journaux nous ont fait beaucoup de tort et même nos clients habituels affichent une certaine méfiance», explique l'un d'eux. Et ces rumeurs sont-elles fondées ? «Pas du tout !», protestent-ils à l'unisson. Et si certains affirment qu'«il y va de leur réputation et de leur survie», d'autres avouent avoir eux-mêmes «peur de se faire avoir». L'un argue mordicus que tous les billets qu'il détient, quels qu'ils soient, sont «tout ce qu'il y a de plus vrai et qu'il en sera toujours ainsi». «Même les banques ne sont pas à l'abri» Comment fait-il donc pour le vérifier et en être aussi sûr ? A cette question, il rougit et son regard se fait fuyant. Il préfère d'ailleurs écourter la conversation. Pour son confrère, rien de plus facile que de les détecter à l'œil nu. Et encore, il assure pouvoir le faire sans même regarder les billets, d'une simple pression du doigt. «Avec l'expérience, l'on arrive à sentir si c'est une contrefaçon rien qu'en le touchant», insiste-t-il, démonstration à l'appui. Alors fanfaronnade ou technique ? «Cela serait très difficile, car au niveau des banques, même avec nos appareils détecteurs, l'on n'est jamais vraiment sûr de rien», objecte le chef de service d'une agence algéroise de la BDL. Car, particularité aujourd'hui notoirement connue de ces vrais-faux billets, c'est que, justement, ils sont indétectables via machines. D'où la panique qui s'est emparée des banquiers. «Cela est indéniablement devenu un motif de crispation pour nous autres», confie d'ailleurs, dans un sourire, le responsable d'agence. «Même si aucun cas de la fausse monnaie n'a été signalé à nos guichets, l'on reste très vigilants, et ce, pour se prémunir de toute forme de trafic», ajoute-t-il, énigmatique. Mais l'activité de change n'a que sensiblement baissé, peut-être parce que les citoyens estiment qu'une banque est mieux équipée afin de détecter les faux billets. Et la vigilance est aussi de mise pour les devises. «Fait nouveau pour la BDL, l'on a été obligé d'instaurer la numérotation de tous les billets de devises étrangères qui transitent par ici. Cela a commencé avec les dollars, puis récemment les euros, et aujourd'hui, cela concerne l'ensemble des monnaies», explique-t-il. Mais, ajoute-t-il, «il n'y a aucune raison pour les citoyens de céder à la paranoïa».