Le Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), en application du projet euro-méditerranéen «Gewamed», a mis en évidence, à l'occasion d'une rencontre organisée le 23 décembre dernier à l'hôtel Dar Diaf d'Alger, les conclusions d'une dizaine d'enquêtes socioéconomiques portant sur la question centrale de l'accès des femmes aux postes d'encadrement dans le secteur des ressources hydriques et sur celle, encore moins enviable, des agricultrices de parcelles de terres irriguées dans diverses zones rurales du pays. Réalisées par de jeunes économistes et sociologues pleins de promesses, qui, à l'instar de Yamina Yakoubi, Ahmed Benmihoub, Yamina Medouni, Miloud Tria, Amine Feroukhi et Samia Akli, ont fait état des difficultés des femmes cadres à émerger aux postes de décision au sein de l'administration centrale du secteur de l'hydraulique et ses démembrements, et de l'exploitation éhontée que subissent les travailleuses agricoles dans un monde rural encore sous la forte emprise des archaïsmes du patriarcat. Que ce soit sur les parcelles de terre irriguées des régions steppiques de Djelfa, Laghouat et Tébessa, ou sur celles plus au nord d'Alger, Bouira et Médéa, les femmes exploitant les surfaces agricoles concédées aux hommes n'ont même pas le privilège du salariat, ces dernières se contentant de trimer aux champs avec seulement le privilège d'être entretenues par leur mari ou père, seul habilité à commercialiser les fruits de leur labeur et à disposer des revenus engrangés. Les travailleuses agricoles sont ainsi privées du droit de disposer d'un salaire et des avantages qui lui sont liés (sécurité sociale, droit aux soins, retraite, etc.) et, souvent même, des revenus tirés de travaux artisanaux (tissage, broderie, poterie, etc.) qu'elles réalisent en sus des pénibles travaux agricoles. Les tenaces survivances de pratiques socioculturelles moyenâgeuses expliquent en partie la situation de ces femmes vivant encore sous le joug des mâles, mais il faut reconnaître, comme le montrent du reste les enquêtes, que l'Etat garant de l'égalité entre les hommes et les femmes, fait peu de choses pour y remédier. S'agissant du volet relatif à l'accès des femmes cadres aux postes de décision au sein du ministère des Ressources en eau et de ses démembrements (directions de l'hydraulique des wilayas, agences nationales, etc.), les enquêtes réalisées avec beaucoup de rigueur sous la supervision du Professeur Slimane Bédrani ont clairement établi la propension des femmes diplômées à accéder, à compétence égale, voire supérieure, à celle de certains hommes occupant de hautes fonctions, à des postes auxquels elles devraient, à juste raison, être prédestinées. Même si les statistiques font, effectivement, état d'une toute relative avancée au cours de ces dix dernières années (des femmes ont été promues à quelques rares postes de responsabilité), mais on est, à l'évidence, très loins du compte. De persistants stéréotypes mêlés à des traditions de nomination clientélistes, exacerbées par les pratiques très discriminatoires envers les femmes exercées par les commissions de promotion de cadres, exclusivement composées d'hommes. Il reste beaucoup à faire pour que les milliers de femmes cadres algériennes sortant chaque année de nos universités aient droit, à diplômes et compétences égaux, au même traitement que les hommes d'accéder à des postes de responsabilité censés leur revenir de droit. Il transparaît, en filigrane de ces enquêtes du CREAD, une certaine détermination des femmes à se battre pour le recouvrement de ce droit aujourd'hui consacré par un article de la Constitution récemment révisée. Une légitime «lutte pour les places» semble être d'ores et déjà engagée.