Le rideau est tombé, vendredi à Tunis, sur le Sommet mondial sur la société de l'information avec un goût - généralement ou presque - d'inachevé. Il n'aura pas tenu ses promesses sur lesquelles ses organisateurs ont beaucoup insisté jusqu'au jour de l'ouverture de cette rencontre planétaire qui a pourtant regroupé plus de 18 000 participants. La plupart de ceux-ci ont vite déchanté devant ce qui allait se transformer en un forum-kermesse plutôt qu'en sommet où seraient prises de grandes décisions, notamment pour réduire ce qu'on appelle la fracture numérique entre le Nord et le Sud, réduire le monopole de fait exercé par les Etats-Unis sur internet... Enfin, c'est tout juste si les représentants des pays pauvres auront obtenu la promesse de ceux du Nord de mettre la main à la poche pour les aider de manière facultative et donc non obligatoire à réaliser leur « révolution numérique ». Ce fonds dit de solidarité, dont l'idée avait été lancée à Genève en 2003, n'a recueilli jusqu'à présent que l'équivalent de 8 millions d'euros ! Déception, certes, des participants venus du Sud qui n'a d'égale que celle des Américains désappointés par le gouvernement tunisien qui n'a pas su, à leurs yeux, faire prévaloir la liberté d'expression et d'opinion lors de ce sommet, à l'instar des opposants au régime du président Ben Ali, empêchés de s'exprimer, de militer légalement et contraints, pour certains d'entre eux, de mener une grève de la faim pour attirer l'attention de l'opinion internationale sur la situation des droits de l'homme en Tunisie en marge du sommet. Déception de ces représentants des pays pauvres de ne pas voir de sitôt leur entrée dans la société de l'information et d'envier la communauté des Indiens Navajos d'Amérique du Nord, dont une délégation était présente à Tunis pour annoncer que leur communauté allait être reliée à 100% à la toile, devenant ainsi, sans doute, la première communauté entièrement numérisée au monde. Il faut quand même dire qu'elle aura bénéficié du mécénat de l'homme le plus riche de la planète, Bill Gates, le patron de Microsoft. Les dirigeants d'Afrique présents à Tunis auront beau plaider pour une aide accrue face à la fracture d'abord économique qui sépare l'ensemble du continent - qui compte autant de lignes téléphoniques que l'île de Manhattan - du monde développé pour espérer des efforts soutenus des pays riches afin de répondre aux besoins des pays démunis en matière de communication, lesquels avoisineraient dans un premier temps plus de un milliard de dollars, ils n'obtiendront rien de plus. Et ce n'est peut-être pas la « machine verte », ce petit ordinateur portable à moins de 100 dollars conçu par des chercheurs écolos du Massachusetts Institute of Technology (MIT), qui pourra aider les pays pauvres à faire leur révolution numérique, d'autant que pour être réalisée, cette noble innovation technologique devra être commandée à l'avance à plusieurs millions d'exemplaires destinés aux écoles du Tiers Monde... Le problème restera entier tant que n'aura pas été résolu celui de la connexion par le biais de liaisons téléphoniques pour permettre à toutes ces populations en marge de l'ère numérique de basculer dans le monde de la société de l'information d'accéder enfin à internet. Une difficulté pour le moins insurmontable qui rappelle celle, chez nous et présentement, de doter chaque famille algérienne d'un ordinateur et d'augmenter le parc national en PC de plus de 6 millions d'unités grâce au programme Ousratic, une idée qui s'appuie sur le financement par le biais d'un crédit de consommation pour tout demandeur par les banques publiques. Malheureusement, avant même son lancement, ce programme est compromis parce que boudé par les banques qui ne voient pas d'un bon œil la prise en charge du financement de crédits de consommation qui sont plus l'apanage d'organismes spécifiques. L'idée lancée de la sorte ici et à Tunis s'apparente plus à un effet marketing destiné « à la consommation extérieure » que la satisfaction d'un besoin essentiel ressenti par les citoyens. Là aussi, la question de l'accès à internet est éludée devant la contrainte du déficit en lignes téléphoniques. Et l'on semble ne pas envisager d'ores et déjà des solutions, comme la liaison sans fil ou encore pourquoi pas celle qui se ferait par la prise de courant électrique pour les zones enclavées ou isolées et dispersées, d'autant que chez nous, l'électrification, contrairement à d'autres pays, a atteint un niveau appréciable de près de 90%.