Le problème de l'exportation de dattes en Algérie est une véritable équation à plusieurs inconnues. Même les cadres du ministère de l'Agriculture et du Développement rural (MADR) disent ne pas comprendre cette situation qui fait que l'abondance de la production phœnicicole ne soit pas accompagnée d'un engouement des opérateurs économiques pour exporter ce produit très prisé pourtant sur le marché international. Ces derniers sont en effet appelés à prendre le relais mais les chiffres sont là pour démontrer le contraire. Ainsi, alors que la production ces cinq dernières années a pratiquement doublé, passant de 345 032 t en 2000 à 516 320 t en 2005, les exportations, elles, ont enregistré une baisse vertigineuse. L'Algérie n'a exportée que 2585 t en 2004 contre 10 198 t en 2003, soit un décroissement qui avoisine les 70%. Au ministère de l'Agriculture, on ne s'explique pas cette diminution brutale. D'autant plus que toutes les mesures sont prises, assure-t-on, pour faciliter les opérations d'exportations de cette deuxième richesse qui vient du Sahara, tout comme le pétrole, et qui est d'ailleurs en deuxième position après les produits énergétiques en matière d'exportations. Pour la promotion de cette activité, un dispositif spécifique de soutien a été mis en place. Il prévoit, entre autres, la bonification des taux d'intérêt. Celui-ci est pris en charge par l'Etat à hauteur de 3% dans le cadre des crédits accordés par les banques algériennes. Les exportateurs peuvent également bénéficier d'une prime d'incitation de 5 dinars algériens pour chaque kilogramme pour les dattes en vrac. C'est-à-dire les dattes naturelles ayant subi les opérations de désinfection, de triage et de mise en emballage allant jusqu'à 12 kg. Pour les dattes conditionnées en emballage divisionnaire d'un kilogramme et moins, cette prime est revue à la hausse. Elle est de 8 dinars pour chaque kilogramme. Outres ces dispositions qui relèvent du Fonds national de régulation et du développement agricole (FNRDA), d'autres actions d'aides du Fonds spécial pour la promotion des exportations ont été décidées. Il s'agit, indique-t-on, « du transport (intérieur et/ou international) et manutention dans les ports et aéroports algériens à concurrence de 80% du coût global des frais de transport et de manutention et d'une prime de valorisation de 5 DA/kg pour les dattes conditionnées et exportées en emballage divisionnaire d'un kg et moins ». En matière de contrôle douanier, les différentes analyses phytosanitaires se font sur sites de production pour éviter les désagréments des formalités douanières au niveau des ports et des aéroports, relève le directeur de la protection des végétaux au niveau du MADR, Ali Moumène. La dette russe Malgré toutes ces mesures pour booster l'exportation de la datte algérienne, celle-ci n'arrive pas à se placer sur le marché international. Ces exportations ont connu leur plus haut niveau au milieu des années 1990, au moment où l'Algérie s'est engagée avec la Russie à lui rembourser une partie de sa dette par des produits agricoles et agroalimentaires, notamment les vins, le concentré de tomate et les dattes. Les exportations de cette dernière denrée en 1995 ont atteint les 21 783 t pour une valeur de plus de 75 millions de dollars. Depuis, elles n'ont cessé de diminuer. Et ce au moment où nos voisins, plus précisément ceux de l'Est, réalisent des résultats positifs qui vont crescendo d'année en année. Au MADR, on reconnaît implicitement que des quantités importantes de la production nationale sont exportées par le circuit des canaux informels vers la Tunisie qui les exporte à son tour sous le label tunisien. Ils affirment néanmoins ne détenir aucune information concrète sur le sujet. Cet état de fait fait dire à M. Assabah, directeur de la régulation et du développement de la production agricole, que le problème ne se situe pas au niveau de la qualité ou de la quantité, mais il est plus question de savoir-faire pour promouvoir la datte algérienne. « Il faut avoir la culture de l'exportation », renchérit M. Moumène. Les exportateurs sont confrontés au problème de transport maritime, souligne M. Assabah. « Les armateurs exigent des exportateurs un calendrier régulier qui s'étale sur l'année. Or le marché extérieur est fluctuant. Les exportations dépendent des commandes et ne sont possibles que pendant une certaine période de l'année », fera-t-il remarquer. « Les exportateurs se bousculent vers un seul marché situé à Marseille », soulignera-t-il encore. Pour lui, ils devraient réfléchir à prospecter d'autres horizons où ils pourront écouler leurs marchandises. Ils ne devraient pas avoir de grandes difficultés pour faire valoir les vertus de la datte algérienne qui est un produit très compétitif, soutient-il, et qui plus est de qualité supérieure par rapport à celle produite sous d'autres cieux, soutient-il. Il cite pour exemple Deglet Nour qui n'est produite qu'en Algérie et en Tunisie et qui est très appréciée et demandée. M. Assabah fera savoir que la surproduction ne concerne pas uniquement les dattes, mais aussi la pomme de terre et la tomate. Pour rentabiliser l'excédent, il indiquera qu'une demande a été adressée aux ambassades algériennes pour organiser des foires afin de promouvoir les produits agricoles algériens. Reste que les producteurs essayent de gérer cette abondance tant bien que mal. Ils essayent de s'organiser comme ils peuvent pour trouver une solution commune. Il en est ainsi de l'association Tamazouarout (qui veut dire la première en langue amazighe) qui a été créée par des producteurs de la wilaya de Ghardaïa, mais qui compte l'élargir à d'autres wilayas. Ils espèrent ainsi avoir planté les premiers jalons d'une organisation plus cohérente de la corporation dans l'intérêt de la production nationale qui risque de rester en marge du marché international si la situation actuelle persiste.