L'inflation qui prend de l'ampleur et la flambée qui affecte de plus en plus les produits de large consommation depuis quelques semaines ne sont pas le fruit du hasard. Des spécialistes et experts d'horizons divers ont eu déjà à avertir sur les conséquences du manque flagrant de visibilité qui caractérise les politiques économiques mises en œuvre ces dernières. C'est le cas de Abderahmane Mebtoul, professeur d'université et expert international en management stratégique, qui évoque quatre raisons principales accentuant l'inflation dans la conjoncture actuelle. La première « est la non proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux : 200 milliards de dollars annoncés ente 2004 et 2009 (pas de bilan à ce jour) et 286 milliards entre 2010 et 2014, dont 130 de reste à réaliser des projets antérieurs, pour un taux de croissance ne dépassant pas 2 ou 3%. Ce déversement d'une aussi importante masse monétaire sans contreparties productives a un impact évidemment tant sur le taux d'inflation que le taux de chômage réel qui sont largement supérieurs aux taux officiels. Une récente étude de l'OCDE montre clairement que l'Algérie dépense deux fois plus pour deux fois moins de résultats avec des projets mal ciblés, les infrastructures ne constituant qu'un moyen, une gouvernance mitigée, l'entreprise et le savoir dévalorisés, mauvaise gestion et surtout la corruption qui s'est socialisée ». La deuxième raison, qui a favorisé l'inflation en Algérie, pour ce professeur, est liée à «la faiblesse d'une politique salariale cohérente privilégiant les créateurs de valeur ajoutée et du travail, ce qui fait que la productivité globale est une des plus faibles au niveau de la région méditerranéenne. Pour preuve, le ratio masse salariale sur le PIB pour 2009/2010 est inférieur à 20% contre plus de 45% à la fin des années 1976/1979 et une moyenne mondiale supérieure à 60%». L'informel et la spéculation Le circuit informel lui aussi a contribué à l'amplification de l'inflation en Algérie, estime Dr Mebtoul : «La troisième raison est l'extension de la sphère informelle qui contrôle quatre segments celui des fruits et légumes, de la viande rouge et blanche, du poisson et du textile /cuir, ce dernier à travers les importations de valises avec plus de 40% de la masse monétaire en circulation. L'allongement des circuits de commercialisation à travers leur désorganisation entre le producteur et le consommateur favorise les rentes et le monopole. (…) La sphère informelle favorisant les actions spéculatives est le produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l'Etat. Il en résulte l'absence d'une régulation due à l'incohérence et au manque de visibilité dans la politique économique et sociale et en cas de remous sociaux, une mentalité bureaucratique croyant que des lois et commissions résoudront les problèmes.» Enfin, la tension qui persiste sur le marché mondial n'a pas tardé à se répercuter sur le marché national. A cet égard, le professeur Mebtoul évoquera l'inflation importée : «La quatrième raison est l'inflation importée mais la question qui se pose pourquoi lorsque le taux d'inflation mondial allait vers zéro en 2009 cela n'a profité ni aux producteurs ni aux consommateurs algériens. Le dérapage du dinar, gonflant d'ailleurs artificiellement les recettes fiscales et le fonds de régulation des recettes calculés en dinars algériens, les taxes exorbitantes au niveau des douanes qui s'appliquent à un dinar dévalué pour entretenir notamment les couches rentières ont largement contribué à favoriser la hausse des prix. Cela renvoie à une économie totalement rentière avec les hydrocarbures représentant 98% des exportations».