Coïncidant avec le nouvel an du calendrier berbère, Ayred (le lion) est fidèlement fêté par la population de Beni Snous, une constellation de tribus habitant la montagne et dans des vallées verdâtres (30 km de Tlemcen). Cette tradition, basée sur des mets particuliers (berkoukès, beignets et crêpes) et des spectacles nocturnes qui reproduisent une histoire mythologique, est célébrée chaque année avec entrain dans un esprit festif et solidaire. Au fait, qu'est-ce qu'Ayred ? Selon Ali Abdoun, metteur en scène originaire de Beni Snous, en plus des victuailles, les habitants réunis en groupes de neuf personnes, toutes déguisées avec des masques représentant des animaux, passent d'une maison à l'autre. Le lion est tiré à l'aide d'une chaîne. Le guide, accompagné de ses acolytes et muni d'un drapeau, frappe aux portes des maisons ; au cas où le ou la propriétaire n'ouvre pas, les participants entonnent : «La jarre est cassée et la maîtresse de maison est répudiée.» Un amas de pierres est alors déposé sur le seuil de la maison. Si la porte est entrouverte, le lion entre, suivi de ses compagnons aux sons de la ghaïta, du bendir et de chants : «Ouvrez vos portes, nous sommes venus…» La suite du scénario, dont on garde le suspense, est tout aussi passionnante. Mais au fond, tout ce jeu – qui est la préservation de l'héritage des aïeux – a pour objectif principal la solidarité, puisque les fruits, les légumes et l'argent récoltés seront redistribués aux nécessiteux. Mais Ayred à Tlemcen, c'est aussi le carnaval. «C'est un phénomène social dont les composantes artistiques font de lui un pur théâtre traditionnel», explique M. Abdoun. La «pièce», confirmera notre interlocuteur, est jouée par une dizaine de personnes vêtues de toisons en piteux état et sillonnant les venelles dans un tintamarre de percussion. Ayred est tiré à l'aide d'une chaîne et tous passent de maison en maison pour recueillir des dons qui iront aux familles nécessiteuses. «En plus du jeu et de cet esprit de solidarité, fêter Yennayer est un acte identitaire que les habitants continuent de célébrer pour le perpétuer.» A noter que cette représentation, jouée naguère par de simples citoyens, est, depuis quelque temps, l'apanage de jeunes comédiens autodidactes. Une manière bien particulière pour la région de perpétuer la mémoire et l'héritage berbères.