Le prince Moulay Hicham a déclaré hier à El Pais «que le Maroc n'est pas encore atteint mais que tous les systèmes autoritaires seront affectés par la vague de protestation». Le Maroc est-il une monarchie stable et sereine où le roi pourrait dormir sur ses deux oreilles, à l'abri des bombes à fragmentations sociales en provenance d'Egypte, de Tunisie et même d'Algérie ? Pas tout a fait sûr. Et c'est un membre de la famille qui évoque de possibles lézardes au palais de son cousin. Le prince Moulay Hicham, certes en rupture de ban avec la monarchie de M6, a déclaré hier dans une interview au journal espagnol El Pais, que le Maroc ne fera «probablement pas exception». «Il n'est pas encore atteint, mais il ne faut pas se tromper : presque tous les systèmes autoritaires seront affectés par la vague de protestation». Le prince Hicham, si habitué à jeter des peaux de banane à son cousin de roi, s'interroge cependant si «la contestation sera sociale ou bien aussi politique et si les formations politiques, influencées par les récents évènements bougeront». Mais les ingrédients semblent réunis, d'après lui, pour une contamination du royaume. Pour cause, Moulay Hicham estime que «la dynamique de libéralisation politique entamée à la fin des années 1990 a pratiquement pris fin». Le prince enfonce le clou en soutenant que si la «majorité» des acteurs politiques reconnaissent la monarchie, «il n'en demeure pas moins vrai qu'ils sont mécontents de la vaste concentration du pouvoir dans l'Exécutif». Et d'asséner que «les nouveaux mouvements sociaux en Tunisie, au Yémen, en Jordanie, en Algérie et en Egypte ont mis en évidence la dignité du citoyen comme étant au centre du politique». Moulay Hichem qui dirige un centre de recherche à l'université américaine de Princeton pense que l'étendue du pouvoir monarchique depuis l'indépendance est «incompatible de fait avec cette nouvelle dimension». Le tir «ami» du Prince Et au prince de tirer un enseignement :« C'est peut-être pour la première fois depuis l'ère coloniale que le monde arabe s'autodétermine, fait ses propres choix et se donne les moyens de sa démocratisation par des manifestations de rue qui n'ont pas été soutenues par l'Occident.» Aboubakr Jamai, fondateur du journal critique aujourd'hui disparu, le Journal hebdomadaire, met carrément les pieds dans le plat. Dans une interview au Nouvel Observateur, le journaliste estime que «si le Maroc s'embrase, la disparité des richesses y est telle que la révolution y sera beaucoup plus sanglante qu'en Tunisie». Voilà le genre de déclaration de nature à déclencher une alerte maximale au royaume de «tout va bien». Son confrère Ali Lemrabet, qui n'est pas lui non plus en odeur de sainteté auprès de Sa Majesté, a fait sortir le gouvernement marocain de sa torpeur en révélant dans sa page facebook que «des troupes auraient été rappelées du Sahara occidental pour être prêtes à intervenir en cas de troubles». Une information qui a été largement reprise par les médias espagnols du fait qu'elle expliquer la peur du royaume d'être contaminé sous peu par la révolution tunisienne. Il n'en fallait pas plus pour faire sortir le gouvernement de son silence et brandir «la main de l'étranger». Le ministre des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, a convoqué hier l'ambassadeur d'Espagne et a eu un entretien avec le chef de la diplomatie espagnole pour leur exprimer l' «indignation» du Maroc face à ces «agissements irresponsables» des médias ibériques. Son gouvernement a par ailleurs démenti «avec fermeté» avoir rappelé des troupes déployées dans le Sahara occidental pour parer à d'éventuelles manifestations. Les médias publics marocains se sont mis en ordre de bataille pour tirer sans retenue sur leurs confrères marocains et espagnols. Feu sur Lemrabet et Jemai Dans la pure langue de bois, l'hebdomadaire Le Temps a dénoncé ce qu'il appelle la «fabrication d'un mythe de la contagion». Il accuse le journaliste Jamaï de «méconnaissance inattendue de la situation politico-sociale du Maroc». L'hebdomadaire francophone la Vie éco, fait lui aussi une intrusion dans la politique pour jouer le gardien du palais. Tel un coup de sommation, il tire sur la foule des médias politiquement incorrects, en leur reprochant un «plaisir jubilatoire à faire le parallèle entre ce qui s'est passé en Tunisie et la situation au Maroc». En somme, toute la rhétorique faussement rassurante est développée depuis quelques jours chez nous en Algérie par certains ministres et quelques médias aux ordres. Eh oui, dans le telles circonstances, les deux régimes enterrent la hache de guerre pour faire cause commune ; l'instinct de survie oblige.