Longtemps réprimés bien qu'autorisés par les lois du pays, les associations et les syndicats indépendants ont fini par forcer le respect, ces dernières années. Partis de rien dans un environnement tout à fait hostile et totalement plombé, des femmes et des hommes ont décidé de prendre leur destin en main. Au départ, ce sont les corporations de médecins et d'enseignants qui ont pris le taureau par les cornes pour se lancer dans l'aventure syndicaliste. Pour une aventure, c'en était bien une. Car contester l'ordre établi pouvait valoir alors à ses auteurs des représailles et beaucoup de cadres en ont fait les frais. C'est en effet dans la douleur qu'ont commencé à naître les syndicats autonomes et la société civile. Mais ils ne tarderont pas à s'affirmer sur le terrain. Les médecins de la santé publique, le personnel de l'administration et les enseignants ont fini par s'imposer dans leurs secteurs respectifs en poussant à la porte le syndicat officiel, l'UGTA, qui a cessé depuis longtemps de représenter les travailleurs et de défendre leurs intérêts. Ils le prouveront sur pièce en paralysant, à plusieurs reprises, les hôpitaux, l'école, l'administration et l'enseignement supérieur. Bien que leurs revendications se soient toujours limitées au strict champ socioprofessionnel, ils ont eu par moment à aller au-delà pour s'installer sur le terrain politique en demandant expressément la levée de l'interdit sur les libertés en général et les libertés syndicales en particulier. A vrai dire, ce n'est que très récemment que des syndicats autonomes ont commencé à investir la revendication politique en se joignant, à la faveur des dernières manifestations qu'a connues le pays, à la Coordination nationale pour le changement et la démocratie qui regroupe une pléthore d'organisations de la société civile. Le Syndicat national du personnel de l'administration publique (Snapap) et le Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (Satef) sont parmi les initiateurs de la marche du 12 février et de l'appel qui revendique, entre autres, la levée de l'état d'urgence, le changement et la démocratie, et l'ouverture des champs politique et médiatique. Outre la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (Laddh) qui est, au demeurant, dans son rôle, d'autres segments de la société civile, des collectifs de chômeurs, d'intellectuels, des organisations estudiantines, des collectifs de journalistes et des comités regroupant d'autres catégories sociales, à l'instar de celui des chômeurs du Sud, ont résolument décidé de s'inscrire dans la dynamique citoyenne appelant au changement du système politique. Par le passé, la scène politique nationale avait connu l'implication en politique de quelques organisations de la société civile, entre autres RAJ et les associations de victimes du terrorisme, mais c'étaient des actions disparates, sans portée réelle. Aujourd'hui, la société civile réagit de manière plus prononcée, gagne du terrain et des galons de crédibilité. Elle tente d'organiser et d'encadrer la contestation politique en repoussant les barrières de l'interdiction qui plombent le champ politique. Elle a fini par s'inscrire dans des revendications consensuelles. En fait, il y a une vraie prise de conscience qui a relégué les divergences paraissant, il y a quelque temps, aux yeux de certaines organisations, fondamentales, mais qui se sont finalement avérées sommaires aujourd'hui.